Deuxième sévice, Critique de "Julie se tait" de Leonardo Van Dijl sortie en salle !

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Critique de Julie se tait, de Leonardo Van Dijl (sortie le 29 janvier 2025).

 Un club de tennis dans une petite ville belge est ébranlé par un scandale ayant provoqué la suspension de son entraîneur-star. Les instances voudraient comprendre pour mieux prévenir et invitent chaque membre à libérer sa parole. Seule Julie, la jeune prodige du club, garde le silence. 

Deuxième sévice, Critique de "Julie se tait" de Leonardo Van Dijl sortie en salle !

Tessa Van den Broeck dans Julie se tait de Leonardo Van Dijl.

© DR.

Maîtrisé et subtil, ce premier film montre avec beaucoup de clarté et de pédagogie que le déni ne suffit pas à expliquer la difficulté à mettre au jour et prévenir les crimes sexuels sur mineurs. À travers l’exemple de Julie, il illustre le cheminement complexe et fragile de la révélation. 

Il faut parfois la force du cinéma pour rappeler des évidences, et encore plus pour sonder le mystère tapi sous l'apparence de celles-ci. Par exemple, s'il est régulièrement rappelé qu'un accusé a le droit de garder le silence, envers et contre tout, celui de la victime est parfois plus difficile à comprendre, voire à accepter. Car si se taire est souvent une contrainte, parler n'est pas pour autant facile, et se doit de rester une liberté. Ce que montre admirablement ce film aussi sobre que puissant, c'est que cette libération de la parole, chez la jeune Julie, interprétée toute en puissance rentrée par Tessa Van den Broeck, est permise par une libération de l'emprise de l'adulte. Le metteur en scène a d'ailleurs l'intelligence de ne presque jamais expliciter ce qui est reproché à cet entraîneur, et ce que Julie a précisément subi - ou pas- hormis lors de la scène-clé de leur confrontation. Ce qui lui permet de mettre le focus sur ce qui l'intéresse vraiment, la violence non pas de l'acte mais de l'emprise qui y mène.

« Les nombreux facteurs nécessaires à cette lente sortie d'une situation d'abus de pouvoir et d'exploitation d'une vulnérabilité sont parfaitement illustrés »

Car ce qui frappe vraiment tout au long du film, c'est à quel point la chape de plomb résiste et met du temps à se lever malgré la mise en oeuvre constamment exemplaire des mesures de protection et d'accompagnement à destination des personnes concernées, directement ou non. Tout, en effet, devrait concourir à ce que Julie se sente en confiance, crue, entourée, aimée, et c'est d'ailleurs ce qui se passe progressivement et est décrit avec beaucoup de douceur. Qu'il s'agisse de la clarté des mots et de l'adéquation de la démarche de la responsable du club, de l'attitude du nouvel entraîneur qui, par sa volonté d'ouvrir Julie au jeu des autres, illustre par contraste la relation exigeante, exclusive et excluante que son prédécesseur avait su installer, ou encore les démarches de son entourage amical lui permettant d'expérimenter un sentiment d'appartenance et de normalité, les nombreux facteurs nécessaires à cette lente sortie d'une situation d'abus de pouvoir et d'exploitation d'une vulnérabilité sont parfaitement illustrés. Presque trop parfaitement...

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On eût souhaité que le film se termine de façon moins prévisible. Ses qualités pédagogiques en auraient probablement été altérées. Mais cela aurait permis d'appréhender un peu plus les points d'achoppement d'une démarche qui, toute nécessaire qu'elle est, n'est hélas souvent pas suffisante pour briser la force mais aussi la part d'irrationalité - en apparence tout du moins - du silence et du traumatisme installés. A cet égard, la façon dont est subtilement suggérée une évolution personnelle plus souterraine, à travers notamment les nombreuses scènes de solitude et la rémanence audiovisuelle d'une victime inaugurale, est un contre-champ utile. 

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