
Ce vendredi 2 juillet, l’Université du Changement en Médecine recevait de nombreux acteurs de la santé publique à l’occasion de son colloque intitulé « La santé à l’épreuve de la décision publique : que nous apprend la crise sur l’organisation des pouvoirs dans la Santé ? ».
Commençons par un petit état des lieux, en fonction des pays. « Il y a des pays qui ont des chiffres inférieurs à 1 décès cumulés pour 100 000 habitants (Islande, nouvelle Zélande), il y en a qui vont avoir des mortalités supérieures à 100 comme la France, et la Suisse. Qu’est-ce qui les distingue ? C’est la décision, le choix politique de la stratégie de riposte. Il y avait trois choix :
- Zéro Covid : Chine, Taiwan ;
- La stratégie de « on vit avec » : Canada, France, Suisse ;
- La suppression : qui se situe entre les 2 comme en Suède, Finlande, Japon, Corée du sud » entame le Pr Antoine Flahault, directeur de l’institut de santé publique de Genève.
En France du côté des hôpitaux, il a donc fallu colmater cette crise inédite dans une politique de « vivre avec ». Également présente au colloque, l’infectiologue Karine Lacombe se souvient : « Pendant la première vague, dans toutes les décisions appliquées on a essayé de prendre en compte le doute. On s’est réunis tous les jours, on a revu tous les cas des patients et on a pris en charge les patients de manière collégiale ».
Une gestion en bonne concordance entre l’univers politique et médical pour une mise en ordre de marche dans l’urgence. Avant de nuancer : « une de nos premières oppositions avec la décision politique était au début de la vaccination, lorsqu’on ne pouvait pas encore vacciner les soignants de moins de 50 ans alors que d’autres pays ont pris la décision de vacciner les soignants en première ligne ».
Ce à quoi la Pr Dominique le Guludec, présidente de la HAS a tenu à lui répondre :
Fin décembre on était obsédés par le bénéfice-risque, on savait peu de choses, notamment sur les effets secondaires. Il y avait une appréhension, particulièrement pour les jeunes femmes. Maintenant c’est différent, on a le recul qu’il faut, je les exhorte à se faire vacciner.
Dominique le Guludec revient aussi sur le rôle de la HAS tout au long de la crise « Nous avons commencé dès le début par essayer de se donner des objectifs, rendre les meilleurs avis au Gouvernement pour qu’il prenne les meilleures décisions. Mais il a fallu aussi essayer d’informer les médecins et les patients eux-mêmes ainsi que rester dans le cadre de nos missions. »
« Il a fallu se réorganiser complètement pour avoir une gestion agile, dédiée, pour une action dans l’urgence. Nous n’avions jamais eu d’anticipation sur un tel fonctionnement de crise. La HAS est une institution qui travaille sur le temps long, élaborer un consensus demande du temps. Là on a dévié le bateau fortement. L’anticipation sur l’orchestration aussi aurait pu être meilleure », reconnait Dominique le Guludec.
Des difficultés sont également apparues au niveau de la coordination. « Il fallait coordonner, prendre une décision qui allait être acceptée. La volonté des soignants ne correspondait pas avec l’acceptation de la population », se rappelle Dr Stéphanie Rist, députée LREM. Mais également au niveau des territoires, travailler avec les élus locaux, les agences régionales de santé, ce qui a parfois pu être compliqué.
« Notre pays a construit ces dernières décennies un vrai système de soin. Il a ses forces, ses difficultés. Mais nous n’avons pas construit un système cohérent de santé publique », a constaté le Dr Bernard Jomier, sénateur.
Faut-il d’ores et déjà en tirer des enseignements ? Pour le président de l’ISNI, Gaétan Casanova, il est clair qu’il faut aller vers « un décloisonnement, la santé est trop importante pour la laisser aux médecins, il faut la faire avec tout le monde, patients, médecins, administratifs. »