Covid-19 : l’Institut Montaigne dénonce la gestion de la crise

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L’Institut Montaigne vient de livrer une première analyse de la gestion de la crise sanitaire en France. En analysant notamment l’articulation du pouvoir politique et du pouvoir médical, mais aussi le très haut degré de centralisation et la faible place laissée aux initiatives locales dans le pays.

Covid-19 : l’Institut Montaigne dénonce la gestion de la crise

« Si notre système a tenu grâce à l’engagement exceptionnel des personnels de santé, et si des mesures rapides et efficaces ont permis de soutenir le tissu économique pendant la première phase du choc, la gestion de la crise par l’État a révélé des dysfonctionnements de l’action publique qui renvoient à des traits structurels », estime l’Institut Montaigne. Le think tank français spécialisé dans les politiques publiques vient en effet de publier une note intitulée « L'action publique face à la crise du Covid-19 ».

Quel a été l’attitude de la France durant la crise et quels enseignements en tirer pour améliorer l’action publique ? Quelles ont été les réussites et les échecs de notre pays ? Pour y répondre, l’Institut Montaigne s’est basé sur une cinquantaine de témoignages de personnalités issues du monde de l’entreprise, de la médecine et de la science, des collectivités locales ou de l’administration française. Mais aussi de benchmarks internationaux du think tank concernant les réponses d’Asie orientale et d’une dizaine de pays européens face à la crise.  

La note s’attarde tout d’abord sur la gestion de crise au plus haut niveau de l’État. Et en tire les constats suivants : « une absence de lieu clair et transparent de prise de la décision publique, une gestion de crise marquée par un très haut degré de centralisation, une faible place laissée aux initiatives locales, et donc des difficultés à faire remonter rapidement les informations pertinentes, et à adapter les dispositifs selon une logique de retour d’expérience. »

Quel rôle pour le conseil scientifique ?

Puis l’Institut Montaigne analyse l’articulation du pouvoir politique et du pouvoir médical. En particulier le rôle du conseil scientifique qui aurait souffert de plusieurs faiblesses : « La nature incertaine du statut et du rôle de ce conseil, et l’absence de la dimension de santé publique dans l’expertise mobilisée pour orienter la décision ». Conséquence directe : « un manque de stratégie scientifique pour construire un appareil de connaissance efficace du suivi de l’épidémie, et une incertitude de l’opinion sur la source et l’autorité de la parole scientifique  ».

Par ailleurs, la réponse à la crise dans les territoires n’a pas toujours été à la hauteur des enjeux, juge le think thank qui évoque le paradoxe suivant : « une extrême centralisation, notamment dans les modalités du confinement » et « une absence de l’État face aux défis les plus pressants, comme l’approvisionnement en masques ou l’organisation de tests massifs ».

L’État aurait également été entravé par sa propre organisation, notamment du fait de « l’absence de chaîne hiérarchique claire entre les préfets et les agences régionales de santé (ARS) ». Si bien que celui-ci est « apparu prisonnier d’une logique centrée sur le maintien de l’ordre public, souvent déconnecté des défis concrets que devaient relever, dans l’urgence, les acteurs locaux », tacle l’Institut Montaigne.

Démocratie sanitaire

Le manque de démocratie sanitaire est également pointé du doigt par le think thank qui estime que « la forte volonté des citoyens de s’engager, au-delà de l’obéissance aux consignes de confinement, n’a pas été placée au cœur de la stratégie des pouvoirs publics ». Et d’ajouter que les associations ont été « peu associées à une lutte sanitaire », alors que leur capacité de contact avec les populations aurait pu se révéler précieuse.

Enfin, la gestion de crise a été marquée par un « fonctionnement vertical », en décalage avec les défis posés par la crise comme avec les attentes des partenaires de l’État et de la société, analyse le think thank qui fait les propositions suivantes pour restaurer l’efficacité de l’action publique :

- Restaurer les lignes hiérarchiques claires au sein de l’État, au niveau central comme au niveau déconcentré, en revenant sur la multiplication des agences, et en organisant la prise de responsabilité à chacun des échelons de l’action publique.
 - S’appuyer sur les réseaux qui ont émergé pendant la crise, notamment les associations d’élus, pour mettre en œuvre un dialogue stratégique avec les collectivités locales.
 - S’appuyer sur les structures et les personnalités qui ont fait la preuve, pendant la crise, d’un engagement et d’une lucidité particulières, et en particulier d’une capacité à prendre des risques et des responsabilités.

Une capacité à prendre des risques et des responsabilités dont ont notamment fait preuve les soignants, selon l’Institut Montaigne qui considère que leur mobilisation a été « essentielle ».
 

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