Comment (ne pas) te dire adieu

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Critique de "L'Adieu", de Lulu Wang (sortie le 8 janvier 2020)

Comment (ne pas) te dire adieu
Billi est née en Chine mais a grandi aux Etats-Unis, où ses parents sont partis travailler. De son pays natal, elle a gardé un attachement inaltérable à Nai Nai, sa grand-mère adorée. Aussi est-ce un choc quand elle apprend que celle-ci est atteinte d'un cancer en phase terminale, et surtout quand elle découvre que, par tradition, la famille a décidé de lui cacher sa maladie et son pronostic. 

Les sorties ciné bégaient un peu en ce moment : après Le Meilleur reste à venir, rebelote avec un scénar basé sur la même idée centrale, à savoir faire tenir sur deux heures le défi de laisser un proche dans l'ignorance de sa maladie cancéreuse. Sauf que cette fois-ci, c'est toute la famille qui s'y met. Autre variante : il s'agit cette fois d'une tradition typiquement chinoise, qui va servir de révélateur des différences culturelles au sein de cette famille disséminée aux quatre coins du globe. L'écueil est évidemment le même, et Lulu Wang ne réussit pas vraiment à y échapper : si ces deux arguments scénaristiques sont séduisants et constituent une base solide à cette chronique familiale douce-amère, l'histoire ne s'élève jamais réellement, le développement des péripéties est sans cesse avorté - par exemple, le fait que la famille refuse à Billi la possibilité de les accompagner en Chine n'est pas du tout exploité. Le film finit hélas par tourner en rond, peinant à trouver son rythme. 

Le ton est pourtant juste, et les acteurs touchants. En premier lieu ce duo aïeule - petite fille, qui rappelle que l'attachement n'a cure des distances générationnelles et culturelles. C'est parce que la famille s'est morcelée au gré de l'émigration des uns et des autres que cette tradition du non-dit ne va pas de soi : si chacun tente de la respecter, c'est avec son propre bagage, ses propres variations. Lulu Wang montre bien comment la culture imprime, influence le vécu et l'expressivité émotionnelles. Si Billi est évidemment opposée à cette règle qui va à l'encontre de ce qui lui semble bon et nécessaire, son oncle résidant au Japon, carrefour entre l'Orient et l'Occident, éprouve un tiraillement qui illustre toutes ses contradictions. La finesse du film est aussi de nous montrer que les fameux secrets de famille n'ont pas la même portée, le même métabolisme dans une société où le groupe prime sur l'individu. C'est en effet sur une forme de réconciliation, en tout cas d'apaisement, que l'histoire débouche, et c'est dans un non-dit accepté et respectueux que le récit familial pourra poursuivre son développement. S'agit-il d'ailleurs réellement de secret, Nai Nai ayant agi de même au moment de l'agonie de son mari? Son sourire perpétuel, qui ne s'en laisse pas compter, laisse planer le doute.

Au final, L'Adieu nous laisse sur notre faim: quand tant d'ingrédients de qualité sont réunis, il est d'autant plus incompréhensible et regrettable que la recette ne soit pas vraiment convaincante...

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