Chirurgie : vers une colle à la bave de limace ?

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PH, faites chauffer vos marmites !

Chirurgie : vers une colle à la bave de limace ?

Non, ce n’est pas une mauvaise blague d’interne taquin, mais bien les résultats d’une étude scientifique parue il y a quelques jours. Des chercheurs américains ont créé une nouvelle colle chirurgicale en s’appuyant sur les propriétés de l’Arion subfuscus, autrement dit la limace !

La loche roussâtre, gastéropode bien connu de nos pelouses européennes, a plus souvent inspiré le dégoût que les scientifiques. Et pourtant, Jianyu Li, Dr en ingénierie mécanique de l’Université d’Harvard (Massachusetts) aux États-Unis et son équipe ont imaginé un nouveau procédé de fabrication de colle chirurgicale.

Publiée dans la revue Science, éditée par l’American Association for the Advancement of Science (AAAS), l’étude de ces chercheurs s’appuie sur un constat : les colles existantes fonctionnent mal en présence de liquide, de sang notamment, et manquent de solidité. Elle peuvent également être toxiques pour les cellules.

Une résistance trois fois plus grande

Ce qui n’est pas le cas de cette nouvelle colle. « La bave de la limace lui sert de moyen de défense quand elle est attaquée », explique Jianyu Li. « Le prédateur ne parvient pas à la retirer de la branche et de la roche où elle se trouve, tant la colle est forte », raconte-t-il. Partant de ces connaissances, son équipe n'a eu qu'à imiter les propriétés du mucus de la limace pour concevoir cette colle composée de plusieurs niveaux d’adhésifs.

Car contrairement aux colles traditionnelles qui n’ont qu’un niveau, le nouveau procédé utilise une structure échelonnée : « L’un de ces niveaux peut céder sans que la structure de la colle soit altérée. Cela lui permet de résister à une tension trois fois plus grande que les autres colles chirurgicales », prétendent les chercheurs dans ces travaux.

Une glu testée sur un coeur de porc battant

Autre avantage : la nouvelle glu biomédicale n’endommage pas les tissus de la peau lorsqu’on la retire. Les essais cliniques ont amené l’équipe à tester le produit sur un coeur de porc battant baigné de sang. La même expérience a été menée sur divers organes de rats, et la rustine a tenu bon. Conclusion, après des dizaines de milliers de cycles de la pompe cardiaque, la colle fonctionnait sur un coeur de cochon humide et en mouvement.

Le secret de la bave de limace ? Des protéines chargées positivement. Les spécialistes de l’Université d’Harvard ont donc simplement imité sa structure en utilisant des polymères chargés ainsi dans un gel à base d’eau. Ces grosses molécules forment alors des liens avec l’hydrogel et la surface des tissus humains, pour les coller.

Depuis l'annonce de cette découverte, le marché est impatient de commercialiser cette nouvelle glu. La date est prévue d’ici cinq à dix ans, juste le temps d’effectuer les tests cliniques sur l’homme et d'obtenir les autorisations réglementaires nécessaires. En 2015, la vente de produits servant à colmater les plaies en chirurgie a atteint les trois milliard de dollars au niveau mondial. Et le marché vise le double en 2022. En attendant, reste à savoir si les chirurgiens sont prêts à faire chauffer leur marmite, et à échanger leur blouse contre une cape de sorcier !

Source:

Thomas Moysan

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