Au Québec aussi, les médecins sont en guerre avec leur gouvernement

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Alors qu’en France les médecins sont tendus sur les réformes du PLFSS 2026, de l’autre côté de l’Atlantique, le climat est tout aussi électrique. Au Québec, les fédérations médicales affrontent le gouvernement de François Legault autour d’un projet de réforme du mode de rémunération. Au cœur du bras de fer : la capitation, la performance, et la menace d’un système à bout de souffle.

Au Québec aussi, les médecins sont en guerre avec leur gouvernement

© Midjourney x What's up Doc

Un conflit centré sur la rémunération

Depuis plusieurs mois, le gouvernement du Québec et les fédérations de médecins — la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) — s’opposent frontalement sur le projet de loi 106, porté par le ministre de la Santé, Christian Dubé.
Ce texte prévoit de transformer le modèle de rémunération des praticiens en y introduisant une composante de capitation : un montant fixe calculé selon le nombre de patients pris en charge et leur complexité.

Le quart de la rémunération des médecins serait ainsi indexé sur des indicateurs de performance, en plus de la rémunération à l’acte et à taux horaire. Pour le gouvernement, cette réforme permettrait une meilleure prise en charge des patients, notamment ceux sans médecin de famille.

Mais pour les deux fédérations, ce système risque de dégrader la qualité des soins. La FMOQ dénonce une logique fondée sur le volume plutôt que sur la pertinence médicale, tandis que la FMSQ alerte sur un effet repoussoir : « Les médecins sur le terrain ne suivront pas… à un moment donné, ils vont enlever leurs gants et dire : “Regardez, moi, je m’en vais chez nous, j’ai assez donné” », a prévenu son président, le Dr Vincent Oliva.

Une médiation rompue et la confiance brisée

Face à la montée des tensions, un processus de médiation avait été lancé à la rentrée parlementaire. L’étude du projet de loi 106 avait même été suspendue pour donner une chance au dialogue. Mais la tentative a tourné court.

Les fédérations ont annoncé la fin de la médiation, invoquant les « fixations personnelles » du ministre Dubé. La FMSQ affirme avoir perdu toute confiance en lui et réclame désormais l’intervention directe du premier ministre François Legault.

Le gouvernement, lui, reste inflexible. François Legault soutient son ministre et refuse de s’impliquer personnellement dans les négociations, malgré les appels répétés des syndicats médicaux.

Des moyens de pression lourds de conséquences

Pour faire plier le gouvernement, les fédérations ont déclenché un moyen de pression inédit : la suspension de l’enseignement aux étudiants en médecine.
Cette décision touche directement environ un millier d’étudiants en fin de formation, dont la diplomation est désormais retardée. La Fédération médicale étudiante du Québec a dénoncé des « conséquences majeures pour les étudiants, mais aussi pour tous les Québécois », déjà confrontés à un système de santé en pénurie chronique de personnel.

Cette action, symboliquement forte, illustre la gravité du conflit et la détermination des médecins à défendre leur autonomie et leur vision du métier.

Le spectre d’une loi spéciale

Le ministre Christian Dubé n’exclut pas le recours à une loi spéciale pour forcer la reprise des activités, notamment la formation médicale. Il envisage aussi, en dernier recours, d’adopter le projet de loi 106 « sous le bâillon », c’est-à-dire sans débat approfondi au Parlement.

Cette option autoritaire rappelle des épisodes marquants de l’histoire sociale québécoise, où le gouvernement avait imposé des lois pour briser des grèves dans le secteur public.

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Une crise qui résonne jusqu’en Europe

Au Québec, comme en France, les médecins dénoncent un pouvoir politique jugé trop interventionniste et déconnecté des réalités du terrain. Derrière la question de la rémunération se cache un enjeu plus profond : celui du sens du travail médical, de la reconnaissance professionnelle et du respect de l’autonomie clinique.

La réforme québécoise, censée « transformer le système de santé », s’est pour l’instant transformée en champ de bataille. Et le bras de fer, lui, semble loin d’être terminé.

Source:

Radio Canada

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