
Anaïs Werestchack est médecin généraliste. Avec son conjoint, Brice Philippon, kinésithérapeute, elle s’est lancée dans une aventure enrichissante tant professionnellement que personnellement. Accompagnés de leur acolyte à quatre pattes : Todz, ils ont réalisé un Tour de France des remplacements dans des zones rurales où l'accès aux soins est limité. Rétrospective de ces douze mois à bord de leur van, surnommé « Manava ».
Combiner passion du voyage et métier-passion
Après quelques mois en Polynésie, Anaïs et Brice ne voulaient pas s’installer immédiatement. « C’est comme cela qu’est né le projet. Nous étions déjà partis à l’autre bout du monde. Cette fois, c’est la France métropolitaine que nous voulions découvrir », raconte Anaïs Werestchack. « Pour nous, faire des remplacements dans des zones où il y a un vrai manque fait plus sens ». Le programme : quinze jours de remplacements, quinze jours de tourisme.
Le point de départ : l’Auvergne natale d’Anaïs. « Nous n’avions pas de plan défini. Pour les remplacements, on les a trouvés au fur et à mesure. Le seul choix stratégique que nous avons fait c’est d’aller dans le Sud pendant l’hiver et dans le Nord pendant l’été, histoire de ne pas avoir trop chaud. »
« Les patients ruraux ont plus confiance en leur professionnels de santé. C’est une relation plus authentique, plus humaine. »
En tout, les deux soignants ont parcourus une quarantaine de départements. Passant par la Savoie, le Jura, les Vosges, le Pas-de-Calais, le Finistère, la Charente, la Corrèze, ou encore le Vaucluse. Le coup de coeur de la médecin généraliste a été la Dordogne : « Nous avons été très bien accueillis, avec des patients très sympathique ! » L'Alsace et la Bretagne font aussi partis du top 3 d'Anaïs Werestchack.
Les réseaux sociaux ont été des fidèles alliés dans cette aventure : « Beaucoup d’annonces sont postées via Facebook, et il y a énormément de demandes autant pour un médecin que pour un kinésithérapeute. » Le défi principal n’était pas de trouver des remplacements, mais que ceux-ci coïncident au niveau des dates pour Brice et Anaïs.
Être médecin dans un désert médical, qu’est-ce que ça change ?
Soigner en ville ou en campagne, ce n'est pas exactement la même chose. La médecin généraliste explique que le côté relationnel est très différent. « Les patients ruraux ont plus confiance en leur professionnels de santé. C’est une relation plus authentique, plus humaine. En ville, on est plus dans le consumérisme de soin. » Anaïs Werestchack confie que les urbains arrivent souvent au cabinet en s’étant auto-diagnostiqués : « Certains exigent tel ou tel médicament, ils pensent savoir mieux que nous quel traitement est adéquat. »
Dans les endroits où l’Auvergnate a exercé, il y a des délais très longs pour obtenir un rendez-vous. Elle raconte que lorsque l’accès au soin est plus compliqué, « il y a moins de bobologie. » Une situation malheureuse pour les patients, mais très formatrice pour une jeune médecin : « Notre exercice médical est plus intéressant. Aussi, on ne peut pas forcément adresser les patients aux spécialistes parce que c'est très loin et qu’il y a peu de rendez-vous. On apprend à gérer plus de choses, sur place, au cabinet. »
Au niveau administratif, enchaîner les remplacements partout en France n’est pas un problème. Il suffit d’être inscrit à l’Ordre et d’avoir une licence de remplacement en poche. « Souvent, c’est la personne remplacée qui s’occupe d’envoyer les documents nécessaires à l’Ordre de la région où nous nous trouvons. »
Une expérience qui forge un médecin, mais aussi une personne
Une expérience comme celle-ci, « C’était une aventure humaine très riche », s’enthousiasme Anaïs Werestchack. Loin de leurs repères, de leur famille et de leur zone de confort, les deux professionnels de santé en sont convaincus : « Nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes. »
Cette expérience, c’est aussi un engagement personnel. « J’avais envie de sensibiliser à la question de la désertification. Quand on voit que certaines personnes se permettent de ne pas venir aux rendez-vous pris alors que d’autres ont un accès très difficile aux soins, c’est énervant. » Selon l'Académie nationale de médecine et le Conseil national de l'Ordre des médecins, entre 6 et 10 % des patients ne se présentent pas à leurs rendez-vous médicaux chaque année.
« Nous avons partagé notre périple sur les réseaux sociaux justement pour faire réagir les gens, et donner l’envie à d’autres soignants de se lancer dans l’aventure ». La médecin généraliste reconnait que cette nouvelle génération de soignants cherche à vivre des expériences différentes.
« Faire des remplacements, c’est l’occasion de savoir ce qui nous convient vraiment »
Parfois, il ne suffit pas d’aller bien loin pour vivre des moments forts et enrichissants. « Il y a de très beaux coins en France. Tester d’autres façons d’exercer, dans des structures différentes avant de s’installer c’est important. Je connais des soignants qui se sont installés rapidement après l’internat et qui le regrette. Faire des remplacements, c’est l’occasion de savoir ce qui nous convient vraiment. »
Le Tour de France des remplacements d’Anaïs, Brice et Todz touche à sa fin. L’ancienne miss et son compagnon vont continuer les replacements, mais en Auvergne, sa région d'origine. Ils se sont aussi inscrits dans la réserve sanitaire, prêts à repartir en mission bien que cette dernière année restera gravée dans leur mémoire.