
Née en 1861, la petite Alice porte d’abord le nom de sa mère (Maille) avant que ses parents ne se marient et qu’elle en adopte un nouveau composé du prénom et du nom de son père. Esclave affranchi d’origine guyanaise, Mathieu Dubois est devenu dentiste.
Un parcours d’études au rythme du racisme et de la misogynie
La future médecin obtient son baccalauréat, un évènement à l’époque. Le Petit Journal écrit, dans son édition du 11 novembre 1879 : « Mlle Alice Dubois, de Compiègne, une jeune fille noire, vient de subir avec succès l’examen de baccalauréat ES Sciences. Mlle Dubois était déjà pourvue du brevet supérieur de l’enseignement primaire. »
C’est en 1881 qu’elle rejoint la faculté de médecine de Paris, récemment ouverte aux femmes. Elle essuie les commentaires racistes de ses camarades blancs. Surnommée « Bamboula » durant la totalité de ses études, Alice Mathieu-Dubois n’a pas cédé aux pressions. Difficile à la fin du XIXe siècle d’être une femme médecin, mais encore plus d’être une femme, médecin et noire.
De janvier 1885 à janvier 1886, elle poursuit son externat à l’hôpital des Enfants-Malades, où elle travaille sous la supervision du professeur Jacques-Joseph Grancher (1843-1907). Alice est alors l’une des sept femmes externes à Paris, le Dr Grancher décrit son attitude comme celle d’une « bonne élève, obéissante et dévouée »
Alice Mathieu-Dubois fut la première femme médecin noire à diriger une clinique privée
Alice Mathieu-Dubois, devenue Alice Sollier après son mariage, obtient son doctorat en 1887. Sa thèse s’intitule : « L’état de la dentition chez les enfants idiots et arriérés : contribution à l’étude des dégénérescences dans l’espèce humaine ».
Après avoir penché pour la médecine dentaire comme son père, elle finit par se tourner vers les maladies nerveuses. Elle et son mari participent au premier Congrès annuel de médecine mentale à Rouen, en 1890.
Les deux époux vont successivement diriger deux établissements de santé privés : la Villa Montsouris de 1889 à 1897, et le Sanatorium de Boulogne-sur-Seine, de 1897 à 1921. Aujourd’hui, la Villa Montsouris est devenue la Clinique Villa Montsouris. C’est le dernier établissement privé de psychiatrie parisien intra-muros.
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Quant au Sanatorium de Boulogne-sur-Seine, il est décrit comme un modèle de modernité, bien équipé et offrant un luxe rare pour l’époque : éclairage électrique, ascenseurs, chauffage central, et autres commodités.
En août 1914, la déclaration de guerre et la mobilisation générale bouleversent l’harmonie d’Alice et son mari. Elle prend alors la direction du sanatorium seule et organise l’évacuation des patients vers des zones moins exposées, alors que l'invasion de la région parisienne semble imminente. Son dévouement lui vaudra la croix de chevalier de la Légion d’honneur, remise par la comtesse Anna de Noailles le 18 novembre 1925.
Une décision municipale en faveur « de la lutte contre les discriminations et du respect du droit des femmes »
« Cette dénomination de rue est une bonne référence, à la fois en matière de lutte contre les discriminations et de respect du droit des femmes », déclare le maire de Compiègne, Philippe Marini dans le Courrier Picard. Oumar Ba, son adjoint délégué au respect des diversité, connait parfaitement l’histoire d’Alice Mathieu-Dubois : « C’est intéressant de voir comment on traitait la femme à cette époque-là, au-delà de sa couleur de peau. […] La persévérance de ces femmes a cassé quelque chose d’important dans l’imagerie collectif de la société française de l’époque. »
C’est lors du conseil municipal du vendredi 20 décembre que les élus de Compiègne ont pris la décision de baptiser une rue en son honneur. Le quartier des Musiciens est en pleine rénovation, bientôt, des Compiégnois vivront dans la rue Alice Mathieu-Dubois.
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