Abnégation de soi

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Critique de "Marche ou crève", film de Margaux Bonhomme (sortie le 5 décembre 2018).

Abnégation de soi

Manon, polyhandicapée, vit à la campagne auprès d’une famille aimante et veillant constamment à ses besoins. Mais quand la mère décide de partir faire sa vie, c’est l’équilibre de toute la famille qui est en péril. Notamment celui d’Elisa, la sœur cadette qui avait prévu de partir poursuivre ses études...

 

Derrière son titre lapidaire et sans appel, « Marche ou crève » cache l’un des films les plus tendres et les plus humains de cette année qui se termine. Un film où Margaux Bonhomme, la réalisatrice, ne remet jamais en cause ni ne juge les choix éminemment difficiles auxquels sont confrontés tous ses personnages. Peut-être parce que justement, au centre de cette famille, il y a Manon, lourdement handicapée et donc privée de cette extraordinaire liberté: celle de choisir sa vie. Mais surtout parce que cette histoire, c’est la sienne. Elisa, la sœur qui se dévoue au risque de s’oublier, c’est elle. 

 

Cette chronique d’un passage à l’âge adulte, celui dans lequel sa sœur n’entrera jamais, et donc d’une déchirure, repose sur son talent de conteuse qui lui permet de trouver la bonne distance, d’aller franchement vers l’intime tout en gardant du recul. Et, ainsi, de ne jamais nous égarer dans le pathos, de ne jamais nous manipuler. Elle nous montre qu’il faut parfois savoir abandonner temporairement ses schémas de fonctionnement pour rester fidèle à soi-même. 

La narration est simple, les paysages lumineux. L’atmosphère de ce cocon créé pour Manon n’est jamais mortifère ni irrespirable, et pourtant l’on sent bien qu’en y excluant toute personne qui n’ose ou ne veut plus en faire partie, il se vide peu à peu de la bienveillance qui en est pourtant le socle. Et permet à chacun d’être aveugle à ses douleurs secrètes. 

 

Les trois acteurs du film sont épatants: les larmes de Diane Rouxel lors du dernier plan, les sourires égarés de Jeanne Cohendy ainsi que le regard généreux de Cédric Kahn, formidable en pater persévérant, ne sont pas pour rien dans l’énorme coup de cœur que nous attribuons à ce premier film.

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