
« Je peux voir des femmes de l'adolescence jusqu'à leur mort, avec un accompagnement de toutes les étapes cruciales de leur vie », expose Yaël Levy-Zauberman. Dans une même journée, elle parle congélation d’ovocytes avec une patiente trentenaire, pratique une IVG et planifie une opération avec une sœur religieuse de 71 ans présentant un épaississement de l’endomètre. « La question de l'engagement pour le droit des femmes à décider pour leur corps s’est présentée assez tard à moi », explique la médecin. Issue d’une famille où ses parents ne faisaient pas de différences entre elle et ses frères, c'est en « écoutant des femmes au quotidien » dans sa pratique, qu'elle comprend que le droit des femmes à disposer de leurs corps, notamment sur le plan médical, reste un « problème de société ».
Engagée pour le droit des femmes… sur le tard
Elle opère aujourd’hui une femme qui demande une ligature des trompes depuis 2012, après avoir eu trois enfants. « Le gynécologue qu'elle a vu à l'époque lui a dit qu'il ne pratiquait pas l'intervention chez les femmes d'origine africaine comme elle, car quand elles viennent à changer de conjoint, elle vont nécessairement vouloir avoir d'autres enfants dans le futur », explique-t-elle, passablement énervée. « Je tombe régulièrement de ma chaise », glisse Yaël Levy-Zauberman. « J'ai l'impression que sur le plan médical, pendant longtemps, les femmes n'ont pas toujours été écoutées, même quand elles auraient dû être dans leur zone de confiance et de sécurité que doit être la consultation gynécologique, quel que soit le motif de consultation », affirme-t-elle.
« Il faut avoir confiance dans nos patientes. C'est notre prérogative d'adultes de prendre des décisions sur nous-mêmes. On a le droit de vote, on a le droit de décider de faire des enfants ! »
Pédagogue et patiente, Yaël Levy-Zauberman prend le temps d’expliquer ses gestes et de rassurer ses patientes, en consultation, au bloc et en consultation post-opératoire. Elle avoue, cependant, que la bienveillance de sa pratique est venue « très très progressivement ». « Je ne crois pas avoir été une jeune adulte très bienveillante. Quand on travaille en moyenne 80 heures par semaine, on n'a pas forcément le temps et l'énergie de l’être tout le temps », explique-t-elle. « Le fait que les patients ne soient pas capables de l'entendre est parfois un peu blessant pour nous aussi », confie-t-elle.
Une spécialité médico-chirurgicale concrète
L’internat de gynécologie-obstétrique, certes « très demandeur en termes de volume horaire » selon Yaël Levy-Zauberman, « permet à l’arrivée de faire des professions qui sont extrêmement différentes les unes des autres », souligne-t-elle. Ne pas avoir à prendre de « décisions drastiques finales » très rapidement au cours de sa formation de médecin est une des raisons qui font qu’elle aime cette spécialité médico-chirurgicale. « Avoir la capacité de traiter tout ce qui relève de la médecine mais aussi de la chirurgie pour mes patientes et être un couteau suisse de la gynécologie, m’apporte aussi beaucoup », affirme-t-elle.
Yaël Levy-Zauberman apprécie aussi un certain « sentiment de devoir accompli » que lui apporte sa pratique chirurgicale. « Les patientes viennent avec une demande, une plainte, une maladie. On opère et puis, si tout se passe bien, le problème est résolu et elles retournent vivre leur meilleure vie. C’est très concret ! ». En plus d’être concret, c'est un travail « stimulant et gratifiant » dans lequel Yaël Levy-Zauberman fait, au moins une fois par jour, « quelque chose d’intéressant ou de nouveau », ce qui la comble.
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