Une clinique de Kiev lance un programme pour ré-apprendre à vivre après la guerre

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Avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, Iouri Makeïev s'est retrouvé sans travail et sans toit, une situation difficile qui l'a mené au bord de la dépression nerveuse.

Une clinique de Kiev lance un programme pour ré-apprendre à vivre après la guerre

Aujourd'hui, cet homme de 48 ans, qui a fui sa maison dans l'est du pays en guerre, espère retrouver une vie normale grâce à un cursus spécial de réhabilitation qu'il suit dans une clinique de Kiev.

Au moins 5 000 civils ont été tués et autant blessés depuis le début de l'invasion russe le 24 février, selon un décompte des Nations unies. Et ceux qui ont survécu aux bombardements restent confrontés au traumatisme qu'ils ont subi.

Selon les psychologues, les semaines passées dans des caves servant d'abris antiaériens, l'obligation de fuir sa maison et de laisser tout derrière soi peut causer un niveau de stress et d'anxiété dont il est difficile de se débarrasser seul.

Le fardeau de Iouri Makeïev a commencé dès 2014, lorsqu'il a dû quitter sa ville de Donetsk, devenue le principal bastion des séparatistes pro-russes parrainés par Moscou, contre qui l'armée ukrainienne a mené une guerre pendant huit ans, avant l'invasion.

"Ce qui se passe à Kiev et ailleurs, je l'ai déjà vu à Donetsk. Je ne voulais pas le vivre à nouveau, mais c'est ce qui s'est passé", dit-il.

Après l'entrée des forces russes en Ukraine, Iouri a perdu son travail dans un journal de Kiev, qui a été obligé de cesser sa publication.

Le foyer où il logeait a aussi dû fermer et sa situation financière ne lui permet pas de louer ailleurs.

"Plusieurs facteurs se sont transformés en stress continu. Il fallait faire quelque chose d'urgence", explique Iouri.

Iouri Makeïev raconte son histoire à l'AFP, assis sur un banc dans une cour tranquille de la clinique de réhabilitation psychologique baptisée "Sociotherapy".

Les soins sont gratuits et comprennent 15 sessions thématiques

"Il y a un nombre énorme de gens avec des syndromes de stress posttraumatique, aussi appelé PTSD", indique Denys Starkov, psychologue au centre de crise de la clinique, ouvert le mois dernier.

"Il y a une demande de la société" pour obtenir un soutien psychologique, affirme-t-il, révélant que "les psychologues sont envahis par des clients".

Le cursus de trois semaines qu'il propose se compose principalement de sessions de groupes pour des gens souffrant d'anxiété, de crises de panique et de souvenirs douloureux.

Certains patients, comme Iouri Makeïev, viennent directement à la clinique, tandis que d'autres appellent un numéro dédié pour parler à des spécialistes, qui décident ensuite s'ils ont besoin ou non d'une thérapie.

Les soins sont gratuits et comprennent 15 sessions thématiques visant à comprendre son traumatisme et à apprendre à y faire face. Seuls des civils adultes peuvent pour le moment s'y inscrire, excluant ainsi les soldats et les enfants.

"Si le PTSD n'est pas soigné à temps, il peut prendre des formes plus sévères", avertit Denys Starkov, assis dans la salle de travail en groupe, spacieuse et avec quelques rangées de chaises.

Avant la guerre, le bâtiment de trois étages de la clinique, situé en périphérie de Kiev, servait d'hôpital pour les alcooliques et les toxicomanes. Aujourd'hui, une équipe de sept psychologues y mène plusieurs sessions quotidiennes.

Selon Oleg Olichevsky, à la tête du programme de thérapie, dix patients suivent actuellement le cursus, mais ce nombre devrait grimper à 30 à l'avenir.

"Ce sera le principal axe de travail pour les 10-15 prochaines années, car chaque habitant du pays fait l'expérience de cette situation traumatique", explique-t-il.

Malgré cela, Oleg et son équipe restent optimistes. "Nous voyons déjà les résultats. Les gens se sentent en sécurité ici, ils sentent qu'on s'occupe d'eux", se réjouit-il.

Après seulement quatre jours à la clinique, Iouri Makeïev semble d'accord : "je suis requinqué ici. J'ai retrouvé un espoir que je croyais perdu", dit-il avec confiance.

Après sa thérapie, il espère avant tout retrouver un travail.

"J'espère sortir d'ici pleinement épanoui et émotionnellement équilibré. Je n'ai même pas peur de le dire : une personne heureuse, joyeuse, optimiste", lance-t-il.

Avec AFP

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