Un psychiatre condamné pour un meurtre commis par son patient

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La responsabilité médicale à l’épreuve

Un psychiatre condamné pour un meurtre commis par son patient

En 2008, un patient s’était enfui de l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, près de Grenoble, et avait poignardé un étudiant. Hier, le psychiatre qui l’avait autorisé à sortir sans surveillance dans le parc de l’établissement a été condamné à 18 mois de prison avec sursis.


Ce n’est pas tout à fait une première, mais c’est tout de même un verdict-choc : le tribunal correctionnel de Grenoble a condamné hier un psychiatre à 18 mois de prison avec sursis pour un meurtre commis il y a huit ans… par l’un de ses patients.

L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. Le 12 novembre 2008, alors qu’il est hospitalisé au centre hospitalier Alpes-Isère de Saint-Egrève, un patient s’échappe, prend le bus, achète un couteau et poignarde en plein Grenoble un étudiant de 26 ans. L’auteur des faits était atteint de psychose délirante chronique et avait déjà agressé plusieurs personnes à l’arme blanche.

Le tribunal reproche au médecin d’avoir mal apprécié la dangerosité du patient en l’autorisant à sortir sans surveillance dans le parc de l’hôpital. L’établissement est en revanche relaxé, alors qu’une amende de 100 000 euros avec sursis avait été requise contre lui.

A qui la faute ?

« Seul mon client était poursuivi », s’insurgeait hier Me Jean-Yves Balestas, avocat du médecin cité par Le Monde, remarquant qu’il n’était « pas titulaire de la responsabilité du pavillon », et que le chef de service n’a pas été inquiété. « Le centre hospitalier est relaxé alors qu’il avait la responsabilité du contrôle des sorties », ajoutait-il, annonçant que le médecin condamné allait faire appel de la décision du tribunal correctionnel.

Interrogé par l’APM, l’avocat de l’établissement s'est pour sa part félicité du verdict. « Le tribunal a considéré que le lien de causalité dans le manquement n’est pas suffisamment direct et certain » pour incriminer l’hôpital, a-t-il déclaré, précisant que celui-ci n’était « pas adapté pour accueillir ce type de patients, comme les autres établissements psychiatriques français ».

Un débat de société

L’affaire pose bien sûr la question des limites de la responsabilité médicale. « Les conséquences [de cette décision] sont dramatiques pour les malades et la profession », a déclaré Norbert Skurnik, vice-président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) et président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), lui aussi cité par Le Monde. Le syndicaliste estime notamment que pour éviter d’être poursuivi, les praticiens risquent de « ne plus autoriser de sortie ».

Un point de vue qui risque de ne pas être bien reçu par le grand public. « Un tabou est tombé, celui de l’évaluation de la dangerosité des patients », a déclaré hier Me Hervé Gerbi, avocat de la victime. « Et c’est sur les psychiatres que repose cette responsabilité. »

Source:

Adrien Renaud

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