Un médecin À l'Elysée – Portrait d'Aquilino Morelle

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Médecin, diplômé de Science politiques et de l’ENA, Aquilino Morelle, plume et proche conseiller du Président Francois Hollande, nous recoit dans son bureau de l’Élysée.

Un médecin À l'Elysée – Portrait d'Aquilino Morelle

Aquilino Morelle nous conte son parcours émérite et partage son regard sur la politique, la santé publique et la médecine dans un style qui lui est propre. Témoignage sincère, voire provocateur, d’un homme passionné.

WUD La lecture de votre parcours sans fausse note impressionne! Mais pourquoi avoir choisi de débuter par la médecine ?

AM Je suis issu d’une famille populaire d’origine espagnole. Pour mes parents, les deux métiers symbolisant la réussite sociale étaient avocat et médecin. Comme j’étais bon élève et détenteur d’un bac C, j’ai choisi la médecine.

 

WUD Pas par vocation, alors ?

AM à 17 ans, peu de gens ont une réelle vocation. La discipline m’intéressait. J’ai été heureux de l’étudier et ces études ont bien marché pour moi.

 

WUD Comment en êtes-vous venu à Sciences Po ?

AM J’ai craint que le métier de médecin ne m’enferme. Avec l’expérience, on finit par connaître parfaitement son domaine. L’exercice médical offre alors une impression de tranquillité et de maîtrise très appréciable, mais la routine peut aussi s’installer…À une époque de questionnement personnel, j’ai rencontré des gens qui ont eu confiance en moi et m’ont encouragé à me lancer dans les études de sciences politiques.

 

WUD Vous étiez donc étudiant à Sciences Po en même temps qu’interne. N’était-ce pas difficile à gérer ?

AM Mener parallèlement ces deux cursus était lourd. Mais j’étais bien organisé et j’évitais les stages les plus prenants. Engagé dans une voie qui me plaisait et aidé par des maîtres de conférences très encourageants, les choses se sont faites naturellement.

 

WUD Les études à Sciences Po et en médecine, c’est quand même très différent…

AM Bien sûr. D’ailleurs je suis venu à Science Po à un moment où j’avais envie de diversifier ma propre formation. Cela a donc été un moment de vraie respiration intellectuelle. La façon de penser apprise en médecine m’a été très utile à Sciences Po et par la suite. Qu’il s’agisse de travailler ses questions d’internat ou d’être en poste aux urgences, la médecine enseigne à classer et hiérarchiser les données. Il faut discerner ce qui est important, grave ou urgent de ce qui ne l’est pas. C’est un mode de raisonnement très utile à la vie pratique.

 

WUD C’est contradictoire avec l’image de nos études qui passent pour un apprentissage sans subtilité, non ?

AM Ceux qui apprennent la médecine comme on apprendrait le bottin ne font pas des bons médecins et leurs études doivent représenter pour eux un mauvais moment…

 

WUD Retenez-vous d’autres enseignements de la médecine qui vous soient encore utiles?

AM La médecine m’aide à bien des égards. Je suis par exemple peu sensible au stress. Prendre votre première garde, c’est une expérience beaucoup plus marquante que la pression que l’on peut vivre en politique.

Décider seul d’admettre ou non un patient, de réaliser ou non un acte, de poser tel ou tel diagnostic, c’est beaucoup plus grave, c’est une responsabilité considérable.

 

WUD Venons-en à votre carrière politique qui s’est d’abord écrite en santé publique…

AM En sortant de l’ENA, pour des raisons évidentes, j’ai choisi l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales).

Ma première mission concernait l’affaire du sang contaminé sur laquelle j’ai écrit un rapport. Et 18 ans plus tard, j’ai coordonné la mission d’enquête sur le Mediator®.Deux expériences professionnelles et humaines exceptionnelles !

 

WUD Vous avez tiré un livre de l’affaire du sang contaminé: La Défaite de la santé publique. Vous y jugez durement le système de santé français et les médecins. Pourquoi un regard si critique ?

AM Mais parce que les faits eux-mêmes sont très graves! Ils justifient pleinement ces critiques. Même si des défaillances ont été corrigées après l’affaire du sang contaminé, je pense qu’il existe encore chez beaucoup de médecins une ignorance des enjeux de la santé publique. Ils se vivent trop souvent comme des individualités envisageant leur métier essentiellement sous l’angle de la fameuse formule définissant le colloque singulier comme «la rencontre d’une conscience et d’une confiance». Mais la médecine ce n’est pas que cela.

C’est difficile à entendre car cela remet en cause le modèle d’une médecine salvatrice dont le médecin serait le héros, mais la médecine ce sont aussi des petits gains qui font progresser la santé de tous. Pensez par exemple aux infections nosocomiales. Elles relèvent principalement du lavage des mains et du bonus age des antibiotiques, choses que tout médecin devrait faire spontanément !

 

WUD Votre activité est désormais dédiée à la politique pure, puisque vous êtes le conseiller du Président F. Hollande. Qu’est-ce que cela fait d’être si près du pouvoir?

AM C’est une responsabilité importante et exigeante. Mais je ne suis pas sensible aux apparences du pouvoir

 

WUD Avant d’être la plume de F. Hollande durant la campagne, vous aviez été celle de L. Jospin lorsqu’il était Premier Ministre. D’où vous vient cette faculté d’écrire ?

AM Je sais m’exprimer et manier la langue française, mais je ne suis pas un écrivain comme l’étaient Régis Debréou Éric Orsenna auprès de François Mitterrand. En revanche je nourris une complicité politique et personnelle avec l’homme pour lequel je travaille. J’ai la chance de bien connaître le Président de la République, et de partager avec lui une forme d’esprit et un mode de raisonnement. Un sens politique en somme…

 

WUD On dit que c’est vous qui avez soufflé à l’oreille de F. Hollande l’anaphore «Moi Président» du débat de l’entre-deux tours. Est-ce vrai ?

AM Non. Cette tirade est venue spontanément à F. Hollande, en écho d’une anaphore voisine qui avait ouvert le discours du Bourget 4 mois plus tôt.

 

WUD Comment se déroulent vos journées actuelles de conseiller ?

AM Je continue tout d’abord à superviser les discours du Président lorsqu’ils sont importants. Je suis aussi son porte-parole officieux, ce qui consiste essentiellement à parler à la presse. Je fais également du conseil politique pur. Pour le reste, je suis les enquêtes d’opinion et les sondages faits à l’extérieur, et j’essaie de garder un certain contact avec le monde intellectuel qui peut nous aider dans notre regard sur la société.

 

WUD Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier de politique, si éloigné de celui de médecin? 

AM La politique fait partie des activités de l’homme qui permettent un épanouissement complet, en mobilisant toutes les facultés, aussi bien intellectuelles que physiques. Il faut être endurant et savoir convaincre les gens, les aimer et les écouter. En ce sens, c’est proche de la médecine. Un bon médecin, ce n’est pas seulement un« expert », mais avant tout un être humain qui sait s’intéresser à son patient autrement que comme un «cas». C’est une discipline complète et c’est d’ailleurs pour cela qu’il y a si peu de bons médecins. Par ailleurs, je suis impliqué personnellement dans mon travail. Il y a un an, j’aurais pu être élu député. Mais j’ai préféré rester avec François Hollande parce que cela me semblait plus utile.

 

WUD Vous avez la chance d'avoir une vie d’une richesse immense. Y a-t-il des choses que vous regrettez ?

AM Sur un plan professionnel je n’ai pas grand-chose à regretter. J’ai eu une vie professionnelle très heureuse et remplie de succès, même s’il y a eu aussi des moments très difficiles. Mais vous savez, il n’y a pas que la vie professionnelle…

 

Curriculum Vitae

5 juin 1962 Naissance à Paris

1985 Interne des Hôpitaux de Paris

1992 Diplômé de l’ENA, promotion « Condorcet »

1992 Enquête sur l’affaire du sang contaminé à l’IGAS

1997 à 2002 Plume de Lionel Jospin, Premier Ministre

2011 Corédaction du rapport sur le Mediator®

2011 Directeur de campagne d’Arnaud Montebourg

2012 Directeur-adjoint de la campagne de François Holland

15 mai 2012 à aujourd'hui Conseiller politique du Président François Hollande

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