Suicide d’une médecin-conseil de la Sécu, la CNAM au tribunal

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Près de deux ans après le drame survenu au service médical du Bas-Rhin, à Strasbourg, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) comparaît devant le tribunal correctionnel. Elle est poursuivie pour homicide involontaire après le suicide d’une médecin-conseil en décembre 2023. Le procureur a requis une amende de 50 000 euros et la publication du jugement dans un média national.

  Suicide d’une médecin-conseil de la Sécu, la CNAM au tribunal

© Midjourney x What's up Doc

Une tragédie sur fond de réorganisation et de perte de sens

Le 12 décembre 2023, une médecin-conseil de la CNAM s’était défenestrée du 4ᵉ étage du service médical du Bas-Rhin. Avant son geste, elle avait laissé un mot : « Je n’arrive pas à m’améliorer, je n’arrive pas à m’intégrer, je n’en peux plus. Je craque, je vous demande pardon », rapportait Les dernières nouvelles d'Alsace.

Cette praticienne, mère de trois enfants, connaissait bien la maison : elle y avait déjà travaillé entre 2008 et 2016, avant d’exercer dans d’autres structures, notamment comme médecin du travail et à l’Établissement français du sang. Lorsqu’elle avait repris ses fonctions à la CNAM en mai 2023, elle avait découvert un environnement profondément transformé.

Selon le procureur de la République Sébastien Pompey, cité par Les dernières nouvelles d'Alsace, « tout a été réorganisé pour de la performance entraînant une perte d’autonomie et du sens au travail ». Le portefeuille d’assurés n’était plus attribué à un médecin référent, le suivi personnalisé avait disparu, et la charge administrative s’était alourdie. Une ancienne collègue confie au quotidien : « Elle ne reconnaissait plus son métier. Sa mort a été un choc. Il y avait une surcharge de travail, des logiciels pas adaptés, des objectifs chiffrés à réaliser. La réorganisation a tout cassé. »

Des alertes insuffisamment prises en compte

L’enquête interne et celle de l’inspection du travail ont mis en évidence des signaux d’alerte non traités. Dès l’été 2023, la praticienne se sentait dépassée. Richard Vieau, porte-parole de la CNAM, a indiqué que l’organisme « a tout mis en place pour l’accompagner ». L’avocat de la Caisse, Me Georges Holleaux, a évoqué des aménagements : réduction du nombre de consultations, assistance par une technicienne, suivi managérial renforcé.

Mais ces mesures n’ont pas suffi. L’inspection du travail estime que « l’établissement est passé à côté d’une situation grave et n’a pas traité l’alerte correctement ». Selon le procureur, la médecin a été « jetée dans une nouvelle unité, qui n’avait pas envie de la voir arriver, sans avoir été consultée ».

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Quelques jours avant son suicide, elle avait reçu un nouveau planning augmentant sa charge de travail. Me Laurent Paté, conseil de la direction régionale du service médical Grand Est, partie civile, souligne le paradoxe d’un tel drame : « Il y a un paradoxe qu’un tel drame puisse se produire au sein de l’organisme de la sécurité sociale qui protège et indemnise les gens », rapporte le quotidien.

Le procureur a requis une amende de 50 000 euros et la publication du jugement dans un journal national. Le délibéré est attendu pour le 13 novembre.

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