Son enfant après elle

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Critique de Mon Inséparable, de Anne-Sophie Bailly (sortie le 25 décembre 2024). Mona a élevé seule son fils handicapé qui, aujourd'hui trentenaire, travaille en ESAT tout en vivant toujours chez elle. Leur relation fusionnelle est également basée sur la confiance qu'elle a en ses capacités et son autonomie. Mais quand celle-ci devient plus que concrète, reposant sur un choix crucial effectué en toute indépendance, celui d’être en couple et d’être parent, Mona, qui se pense ouverte, perd pied...

 

Son enfant après elle

Un beau premier film qui, sous des dehors sages et de bonnes intentions, recèle des espaces de réflexion d'une dureté insoupçonnée. Edifiant. 

L'année ciné 2024 s'achèvera comme elle a commencé : en compagnie de Laure Calamy (qui inaugure même 2025 avec le prometteur Un ours dans le Jura). Si, comme Iris et les hommes, Mon Inséparable souffre de quelques défauts - notamment une singulière baisse de régime au beau milieu d'un road-movie avorté - il est néanmoins habité d'une sensibilité et surtout d'une justesse de regard extrêmes, sur les sujets abordés autant que sur les personnages. Ainsi, Anne-Sophie Bailly ne se contente pas de faire jouer des personnes en situation de handicap : elle leur offre de merveilleux rôles et les dirige à leur plus haut. Charles Peccia-Galletto et Julie Froger donnent corps à des personnages et à une histoire qui, sans leur puissance d'incarnation, aurait paru trop figurative. Avec eux, grâce à eux, l'on croit à cette histoire d'émancipation, de conquête d'une autonomie qui peut sembler inaccessible tant il existe de façons de l'entraver. La grande force du film étant d'en montrer les intentions pouvant sembler les meilleures. 

Le film est néanmoins, et avant tout, porté par Laure Calamy, toujours aussi juste, toujours aussi à l'aise dans des rôles que, par quelques attitudes, quelques détails, elle sait instantanément habiter. Cela constitue à la fois une force et une limite. Une force, parce que dans ce rôle de mère s'enfonçant dans le déni, et dont elle ne gomme aucunement la part de cruauté, elle reste impressionnante, notamment dans sa capacité à maintenir de la nuance dans ses excès. 

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La limite réside peut-être dans le fait que, en se centrant à ce point sur ce personnage, Anne-Sophie Bailly en révèle paradoxalement les faiblesses en termes d'écriture. Ainsi, dès que le film s'éloigne de son sujet central, dès que Charles Peccia-Galletto quitte l'écran ou reste en retrait - comme par exemple dans une maladroite scène de retrouvailles - le personnage de Mona peine à intéresser, voire à exister, lestant de réguliers trous d'air cette traversée qui, grâce à l'accent mis sur les moments de confrontation, reste néanmoins constamment pertinente, levant le voile sur les multiples impensés et non dits concernant la situation sociétale et juridique des personnes handicapées qui, à force de conditionnements, glisse bien souvent de l’infantilisation à la discrimination. 

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