Sadique instinct

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Ciné week-end: Elle, de P. Verhoeven (sortie le 25 mai 2016)

Sadique instinct

Faites entrer la victime : Michelle, éditrice en jeux vidéo, semble avoir organisé sa vie de façon à en évacuer tout sentiment de culpabilité. Quand elle se fait violer à son domicile, elle semble ne pas en être affectée... mais son passé va remonter à la surface.

Pour son grand retour au cinéma et célébrer ses noces barbares avec Isabelle Huppert, Paul Verhoeven a choisi un film-monstre, déroutant et débordant, tel un éléphant piétinant de son obscénité la porcelaine d'un cinéma français à l'atmosphère feutrée. Adaptant un livre de Philippe Djian dont on reconnaît le foisonnement intellectuel quasi-maniaque, il perpétue la réputation de perversité qui lui colle à la peau, à la limite de l'auto-parodie, et pourtant semble sonder encore plus profondément que dans ses autres films les tréfonds de l'âme humaine. Il trouve en Huppert une formidable complice, qui elle aussi puise dans l'âme de ses rôles passés pour apporter à son personnage une dissonnance d'autant plus inquiétante qu'elle n'est jamais exempte de comique.

Si le propos est sidérant, le film se perd parfois dans des parenthèses un peu vaines et une certaine répétition. La photo, constamment terne, renforce l'idée que c'est dans les nuances de gris, derrière les conventions sociales et des concepts judéo-chrétiens de plus en plus vermoulus que se tapit le monstre qui sommeille en chacun de nous, celui qui se réveille de façon viscérale quand il est contaminé par l'injustice absolue ou la folie meurtrière. Ainsi, Huppert incarne une femme-enfant devenue toute puissante afin de survivre au traumatisme d'avoir été confrontée au Mal. Dans son obsession de dépasser les statuts de coupable et de victime pour tenter de ne pas se perdre dans l'effroi traumatique, elle est stupéfiante.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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