Retour vers le futur : en 1776, on voulait déjà… fermer l’Hôtel-Dieu !

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L’hôpital du futur commence au 18e siècle

Retour vers le futur : en 1776, on voulait déjà… fermer l’Hôtel-Dieu !

Alors que What’s up Doc s’intéresse dans sa dernière livraison à l’hôpital du futur, un petit coup d’œil dans le rétro s’impose : les médecins n’ont pas attendu 2016 pour rêver d’établissements plus agréables ! Il y a 240 ans, déjà, on imaginait un nouvel Hôtel-Dieu.

 

1776 : c’est bien à cette date qu’a été rédigé le « Mémoire sur la nécessité de construire hors de la ville, un Hôtel-Dieu commode et spacieux » que What’s up Doc a déterré pour vous. Un petit bijou de politique et de géostratégie médicales en accès libre sur Gallica, un opuscule qui se dévore en dix minutes… Gestion des lits, infections nosocomiales, riverains, prises de bec avec l’administration, argent… absolument rien n’a changé !

Un hôpital peu propice au rétablissement des malades

L’auteur, un certain Régner, démarre par une mise à mort de l’architecte : « L’emplacement et la forme de cette maison, ainsi que le plan général qu’on y fit pour le service des malades, sont on ne peut plus contraires au rétablissement de la santé de ces malades mêmes ». Aurions-nous déjà entendu ça quelque part ?

L’ouvrage fait par la suite tomber un mythe : l’hygiénisme n’a pas attendu le 19esiècle. L’auteur explique comment les défauts de l’édifice favorisent les infections nosocomiales. Il décrit un hôpital « environné de bâtiments fort élevés qui interceptent les rayons du soleil » et une circulation de l’air « qui entretient longtemps les corpuscules infects qu’exhalent continuellement les malades ».

Jusqu’à huit patients par lit

Il faut dire que question promiscuité, l’administrateur de garde de l’époque ne faisait pas dans la dentelle : « quatre, cinq, six patients dans un même lit, (nous en avons jusqu’à huit), les mourants et les convalescents acculés dans un même lieu, les vivants à côté des morts », remarque un rapport cité par l’auteur. Vous avez dit gestion des lits ?

Perfide, le bon M. Régner s’essaie au benchmark et remarque qu’on s’organise bien mieux ailleurs : un quart des malades entrant à l’Hôtel-Dieu de Paris meurent, pour seulement « un quatorzième à l’Hôtel-Dieu de Lyon » (cf. le numéro de What’s up doc de février 1778, qui révèle que Lyon était déjà très bien choisi par les futurs internes).

Médecins démotivés

Même les médecins sont mis à contribution : le travail de lointains confrères est si épouvantable qu’ils ne voient plus les patients « que pour la forme », dégoûtés par tous ces morts... « Ajoutez à cela que n’étant point attachés à la maison par des appointements suffisants, il est plus naturel qu’ils préfèrent des visites plus lucratives et plus flatteuses et dont le succès est plus assuré ».

Mais à l’époque, ce n’est pas avec les syndicats, les riverains ou la mairie que le rédacteur est guerre. C’est avec l’administration. « Mais vous êtes fou, mon bon monsieur, cela coûterait 25 millions d’en construire un neuf », lui disent en substance les religieuses qui gèrent l’établissement ! Ce à quoi il répond que la facture sera réduite à 10 millions une fois qu’on aura vendu l’ancien…

L’hôpital de nos rêves avant la Révolution

Alors comment rêvait ton un nouvel Hôtel Dieu en 1776 ? Hors de la ville, commode, spacieux, propre, avec un air sain, de la lumière, des médecins heureux de travailler… et une population qui ne s’effraiera pas « d’un quart d’heure de chemin » pour être mieux soignée.

On peut tout de même se permettre d’espérer. Quand il fut reconstruit, en 1877, sous sa forme actuelle, les architectes intégrèrent la notion de « circulation de l’air ». Comme quoi on finit par y arriver !

Source:

Henri Duboc

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