Préjugés en médecine : à l'école du VIH

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Comment l'association Aides a encore des lecons à nous donner

Préjugés en médecine : à l'école du VIH

L'arrivée de la pandémie de VIH dans les années 1980 a obligé la communauté médicale, bon an mal an, à réfléchir sur ses propres préjugés. Un combat qui est loin d'être terminé, comme le rappelle l'association Aides, première organisation de lutte contre le virus.

Imaginez une nouvelle maladie, mortelle et contagieuse, aux stigmates identifiables, qui toucherait principalement des minorités déjà largement discriminées : homosexuels, toxicomanes, prostituées, migrants… Voilà qui aurait de quoi laisser les préjugés les plus négatifs s’immiscer dans la relation soignante, non ? Ce cas d’école, c’est l’histoire de la pandémie au VIH, qui apparaît aujourd’hui comme le cas d’école d’une stigmatisation pouvant entraîner des retards dans la prise en charge d’une maladie.

Dans les années 1980, les réactions sociétales au début de l’épidémie envers le « cancer des homosexuels » – ou, au choix, envers la « punition divine » – ont rapidement fait naître la nécessité d’un engagement associatif fort, voire de revendications militantes et politiques. À l’époque, les médecins n’ont pas été en reste.

La méconnaissance, grande pourvoyeuse de préjugés médicaux

Trente ans plus tard, les praticiens d’aujourd’hui sont loin de l’engagement de leurs aînés. « La jeune génération de soignants est convaincue que le VIH se gère facilement, et que tant qu’il n’y a pas de réplication virale, il n’y a pas de problème », remarque Marc Dixneuf, directeur général délégué de Aides, la première association française de lutte contre le VIH. « Sauf que le stigma et le silence auxquels sont soumis ces patients n’a rien à voir avec les réactions que peuvent susciter d’autres maladies chroniques. »

Même chez les soignants, les préjugés sont tenaces, comme l’a montré un testing mené par l’association en 2015 qui a mis en évidence l’étendue des refus de soins chez les dentistes libéraux pour les patients séropositifs. « Cela nous montre surtout les méconnaissances des praticiens non spécialisés sur le VIH », analyse Marc Dixneuf. « D’où l’importance de réactualiser les connaissances des professionnels de santé ! » 

Un laboratoire d’innovation pour les autres pathologies

Aides développe également des concepts nouveaux, comme celui de consultations effectuées par des pairs ayant eu des conduites à risque, et non par des médecins. Une idée polémique, mais qui a au moins l’avantage de sortir du sempiternel et paternaliste « Mais pourquoi vous ne mettez pas de préservatif ? » répété par le médecin…

Ce concept pourrait germer bien au-delà du VIH, comme cela a été le cas du l’idée du patient-expert, née parmi les associations spécialistes du virus et qui a essaimé par la suite. Une trentaine d’années plus tard, le dynamisme des acteurs de lutte contre le VIH reste en effet un modèle d’innovation pour d’autres pathologies.

Source:

Jean-Victor Blanc

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