PH : un statut unique pour faire passer la pilule ?

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Les députés ont adopté l’article 6 de la loi Santé qui crée un statut unique de praticien hospitalier (PH), le 21 mars dernier. Mais rien n’est fait pour redonner de l’attractivité aux carrières hospitalières, fustige le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Élargi aux autres spécialités (SNPHARE) qui regrette que le concours de PH soit supprimé.

PH : un statut unique pour faire passer la pilule ?

La modernisation du statut de PH, et donc la création d’un statut unique, était une revendication forte du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Élargi aux autres spécialités (SNPHARE). Mais celui-ci regrette que ce changement de statut ne soit pas accompagné de mesures pour redonner de l’attractivité au métier de PH, dans un communiqué de presse publié le 25 mars.
 
Le statut unique de PH (article 6 de la loi Santé) a en effet été adopté ce vendredi 21 mars 2019 par les députés, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Ma Santé 2022 ». Les statuts de titulaires à temps partiel et à temps plein vont donc fusionner, ce qui permettra un exercice mixte public/privé à tous les PH. Autre changement d’importance : ce statut unique sera désormais accessible sans concours.
 
La réaction ne s’est pas fait attendre du côté du SNPHARE, furieux tout d’abord que la « ministre des Solidarités et de la Santé recommande aux anesthésistes-réanimateurs de « mettre du beurre dans leurs épinards en allant exercer 20 % de leur temps en clinique afin d’améliorer leur rémunération », fustige le communiqué de presse.

Travailler dans des conditions décentes

« Alors que 30 % des postes sont vacants, que rien n’est fait pour redonner de l’attractivité aux carrières hospitalières, une ministre de la santé ose nous dire d’aller creuser encore plus les déficits humains, et donc l’activité, pour aller gagner des sous en clinique ! », poursuit dans le communiqué le SNPHARE, qui rappelle ce qui a le plus d’importance à ses yeux :
 
« Ce que nous voulons, c’est pouvoir travailler dans des conditions décentes, gagner dignement notre vie, dans le lieu que nous avons choisi pour exercer selon nos convictions, à savoir le service public. »
 
Le syndicat est également revenu sur la suppression du concours de praticien hospitalier : « Nous voulons que l’engagement dans la carrière de praticien hospitalier reste un moment fort de notre vie. Or, les députés viennent de supprimer le concours de praticien hospitalier, et donc la nomination nationale que mérite chacun des lauréats. Ce n’est pourtant pas un concours de pacotille, nous le passons après 10 ans d’études, et malgré tout 12% ne réussissent pas ce concours ou ont un dossier invalidé. »
 
Et d’interpeller directement Agnès Buzyn à propos de la remise en cause de la nomination nationale : « Madame la Ministre, voulez-vous vraiment que désormais, sous couvert de modernisation et de souplesse, les praticiens soient nommés localement, par une gouvernance à laquelle ils seront aux ordres, nommables et révocables, et sous influence ? Soyons sérieux. La nomination nationale, en dehors de toutes les pressions locales, est la seule garantie d’une indépendance professionnelle et d’une compétence médicale, fondements de la qualité des soins que nous devons à nos patients. »

La porte ouverte aux recrutements locaux

Et de conclure en demandant à la ministre de mettre en place de véritables mesures pour redonner de l’attractivité au métier de PH : « Donnez-nous, à l’intérieur de l’hôpital public, de bonnes raisons de s’y engager, de s’y investir et d’y produire des soins d’excellence, ceux que plébiscitent nos concitoyens. Donnez-nous la garantie de notre indépendance professionnelle : une nomination nationale sur épreuves est essentielle pour notre exercice. Donnez à nos concitoyens un hôpital qui puisse remplir sa mission de service public. »
 
Quant Action Praticiens Hôpital et Jeunes Médecins, ils considèrent que la suppression du concours de PH et de la nomination nationale sont « la porte grande ouverte aux recrutements locaux, à la discrétion de la gouvernance de l’établissement », dans un communiqué publié le 25 mars.
 
Ils s’opposent donc « à la disparition de toute épreuve de sélection avant accès au statut de praticien hospitalier » et exigent « le maintien d’une liste d’aptitude nationale, reposant sur un examen par un collège médical de la spécialité ».

Patrick Pelloux vire au rouge 

Pendant ce temps-là, nos confrères d’Europe 1 interviewaient ce lundi le médecin urgentiste Patrick Pelloux, très remonté contre la création du statut unique de praticien hospitalier, synonyme selon lui de « fin du statut de praticien hospitalier dans la fonction publique ». Et d’ajouter que cette mesure allait « changer énormément de choses : toute la stabilité du service public, qui fait que les médecins sont assimilés comme des fonctionnaires, saute. Ça veut dire que des médecins qui travailleront à l'hôpital pourront faire encore plus de privé qu'avant. »
 
Avec cette loi, l'urgentiste a « le sentiment qu'ils veulent déstabiliser le statut de cet assimilé fonctionnaire qu'était le médecin pour déstabiliser encore plus l'hôpital public », dont il dénonce la « privatisation rampante » qui menacerait le système de santé. Pour le président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (Amuf), « c'est très grave ce qui est en train de se passer, et ça n'améliorera pas les urgences car, ce qui stabilise aujourd’hui les médecins urgentistes, c’est justement la reconnaissance de leur temps de travail qui est très difficile et très important. »
 
Des urgences où, « la mission de faire rentrer les jeunes dans le statut et dans la carrière hospitalière » est tellement peu remplie selon Patrick Pelloux, « que des services font actuellement appel au travail intérimaire ». Des urgences « où on paye beaucoup plus cher des boîtes d'intérim pour trouver des médecins ». « Du jamais-vu », selon l’urgentiste.

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