Mobile à l’hôpital : entrée en zone de turbulences ?

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L’Anses voudrait mieux réglementer l'usage du portable en pratique

Mobile à l’hôpital : entrée en zone de turbulences ?

L’Agence de sécurité sanitaire (Anses) recommande d’assouplir les règles d’utilisation du mobile à l’hôpital. Finie l’interdiction généralisée, jamais respectée en pratique, place au zonage. Non sans quelques concessions…

 

On peinerait à le croire, mais l’utilisation du mobile à l’hôpital est, en toute théorie, à proscrire. Le champ électromagnétique émis par le téléphone risque en effet de perturber les dispositifs médicaux. On ne voudrait pas que l’assistance respiratoire commence à bugger, n’est-ce pas ?

Saisie par le ministère de la Santé, l’Anses vient de rendre ses conclusions sur la question. Pour l’agence en charge de la sécurité des soins, tous les appareils de soins intensifs courent un risque, très variable, de dysfonctionner en cas d’interférence électromagnétique. Idem pour les systèmes de monitoring et d’enregistrement.

Des perturbations qui peuvent parfaitement se produire à bas-bruit. « Il peut y avoir des dysfonctionnements très difficiles à détecter, comme une pompe à perfusion qui fonctionne mal ou un pousse-seringue qui se met à débiter plus ou moins », nous précise Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation du risque lié aux agents physiques à l’Anses.

À la fin tu es las de ce monde ancien

La question est un serpent de mer. Dès 95, une circulaire du ministère de la Santé recommandait l’extinction des mobiles dans tous les services de soins. C’était alors la Préhistoire… « Avec la généralisation du mobile, on peut constater que cette interdiction a été appliquée de façon disparate », relève Olivier Merckel.

Doux euphémisme. Le mobile est rien moins que dispensable à l’hôpital. « Tout le monde l’utilise partout et tout le temps : c’est vital », tranche Albert*, gastro-entérologue à l’AP-HP. « La première chose que s’échangent les internes et les chefs, c’est leur numéro de portable. Un interne qui n’a pas de portable, il se débrouille pour aller en chercher un. »

De l’art de s’accommoder de la réalité

Une réalité dont l’Anses a bien conscience. « C’est la raison pour laquelle nous proposons une approche plus souple, déjà utilisée en Angleterre par exemple : le zonage », explique Olivier Merckel. L’agence recommande ainsi de ne limiter l’usage du portable que dans les zones critiques : blocs opératoires, soins intensifs, urgences, néonat’... Par ailleurs, une tolérance est prévue pour les appels à usage professionnel, où qu’ils soient.

Une seule condition : s’éloigner des appareils.  « Une distance d’un mètre réduit déjà beaucoup les risques de perturbation », poursuit le chercheur. « Un chirurgien qui opère n’a pas besoin d’avoir son téléphone dans la poche ou la main, il peut se reposer sur un assistant pour transmettre la communication. »

Comme dans l’avion : on le fait mais on n’y croit pas

Reste que les risques d’interférence laissent beaucoup de médecins dubitatifs. « C’est comme dans l’avion : on dit qu’il faut éteindre son téléphone portable mais je suis persuadée qu’en pratique il n’y a aucun risque », nous confie une urgentiste de région parisienne. « Je n’ai jamais entendu parler de problème », renchérit le gastro-entérologue.

Autre conseil de l’agence aux directions d’hôpitaux : privilégier les téléphones DECT, dont les émissions sont beaucoup moins importantes. Mais encore faudrait-il que tout le monde ait un DECT et que les numéros soient à jour, ce qui est loin d’être le cas. Qu’on se rassure donc : le portable a encore de beaux jours devant lui.

 

* Le prénom a été modifié.

Source:

Yvan Pandelé

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