Les protections intimes sont-elles sans danger pour les femmes ?

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Ces dernières années, la question de la composition des protections intimes a suscité de nombreux débats publics en France. De plus en plus de femmes s’interrogent sur les risques liés à l’utilisation de ces articles d’hygiène féminine. Entre 2018 et 2020, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a réalisé une évaluation de la sécurité des protections intimes : les tampons, les serviettes hygiéniques, les protège-slips et les coupes menstruelles. Suite à cette évaluation et aux recommandations de l’Anses, les pouvoirs publics se sont saisis du sujet en 2022, et ont rédigé un décret sur l’étiquetage des protections féminines. Voici ce qu’il faut retenir.

Les protections intimes sont-elles sans danger pour les femmes ?

© Midjourney x What's up Doc

Deux catégories de protections intimes

Les protections intimes sont des produits de grande consommation, utilisés pendant la période des règles afin d’absorber le flux menstruel ou en dehors (par exemple en cas de fuites urinaires). Elles sont utilisées par des femmes à partir de l’âge des premières règles (en moyenne 12 ans et 3 mois).

Il existe sur le marché deux catégories de protections intimes :

  • les protections internes destinées à être insérées dans le vagin afin d’absorber les flux menstruels. Elles peuvent être à usage unique, telles que les tampons hygiéniques, ou être réutilisables, telles que les coupes menstruelles ou les disques menstruels ;

  • les protections externes telles que les serviettes hygiéniques, les protège-slips et les culottes menstruelles (qui peuvent être à usage unique ou réutilisables).

De manière générale, les protections intimes à usage unique externe sont composées de produits d’origine naturelle dérivés du bois (cellulose), de substances de nature synthétique (polyoléfines) et de superabsorbant (SAP). Les tampons sont composés de produits d’origine naturelle dérivés du coton qui subissent un traitement chimique, et de produits de nature synthétique de type polyoléfines. Quant aux coupes menstruelles, elles sont composées d’élastomère thermoplastique ou de silicone de qualité médicale.

Des substances chimiques dans les protections intimes

En 2017, des études ont mis en évidence la présence de substances chimiques dans des protections intimes. Certaines, comme les substances parfumantes, sont ajoutées intentionnellement. D’autres peuvent provenir de la contamination des matières premières, ou sont dues aux procédés de fabrication ; il peut s’agir par exemple de substances cancérogènes (hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines, furanes), des substances reprotoxiques (phtalates), des substances parfumantes allergisantes et des pesticides. Soulignons que certains pesticides retrouvés dans les produits analysés sont interdits d’usage dans l’Union européenne, parfois depuis de nombreuses années (c’est le cas du lindane et du quintozène, interdits depuis 2000, ou de l’hexachlorobenzène, depuis 2004). Le glyphosate, dont l’usage est autorisé dans l’Union européenne, a également été retrouvé dans certains produits.

L’expertise de l’Anses a consisté à évaluer les risques sanitaires liés à la présence de ces substances dans les protections intimes – serviettes hygiéniques, protège-slips et tampons. Pour évaluer l’exposition, l’agence a considéré une utilisation de six protections intimes ou de quatre coupes menstruelles par jour, en considérant aussi bien une femme adulte (pour un poids moyen de 60kg) qu’une jeune fille venant d’être réglée (30kg).

En comparant l’exposition estimée aux différentes substances présentes dans les protections intimes avec les seuils toxicologiques pouvant entraîner des effets sur la santé, l’Agence n’a pas mis en évidence de risque chimique pour la santé des femmes exposées.

Néanmoins, l’Anses a recommandé aux fabricants d’améliorer la qualité des matières premières et de réviser certains procédés de fabrication, afin d’éliminer ou de réduire au maximum la présence des substances évoquées précédemment. Sont concernées en particulier, celles présentant des effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), les perturbateurs endocriniens et les sensibilisants cutanés.

L’Anses recommande également l’élaboration d’un cadre réglementaire plus restrictif au niveau européen, afin de limiter la présence des substances chimiques dans les protections féminines. En effet, il n’existe pas de cadre réglementaire spécifique dans l’UE. Ces produits sont des produits de consommation et dépendent donc de la directive générale de sécurité des produits, qui s’assure de la mise sur le marché de produits sûrs pour une utilisation prévue et raisonnable pour le consommateur. A contrario, aux États-Unis, au Canada ou au Japon, les protections féminines sont des dispositifs médicaux.

L’association 60 millions de consommateurs a testé 24 protections périodiques (tampons, serviettes hygiéniques, protège-slips), 7 ans après son premier comparatif. Des substances chimiques toxiques demeurent présentes (glyphosate et son métabolite, dioxines, composés organiques halogénés), bien qu’à des concentrations ne présentant a priori pas de risque majeur pour la santé, en l’état actuel des connaissances.

Le comportement des femmes par rapport aux protections intimes

À la demande de l’Anses, une enquête a été effectuée en 2017 auprès d’un échantillon de femmes représentatif de la population féminine française. Celle-ci avait pour objectifs de recueillir des informations concernant leurs pratiques en matière de protection intime, les principaux facteurs qui déterminent leur choix et les perceptions des éventuels risques associés à leur utilisation.

Concernant le type de protections portées, serviettes et protège-slips (les culottes menstruelles étaient encore peu présentes sur le marché français) étaient utilisés en association avec une autre protection par 91 % des femmes, en particulier les 13-24 ans. Les femmes de plus de 25 ans déclaraient utiliser de manière prédominante des tampons. Seuls 21 % des femmes (33 % des 13 à 24 ans) utilisaient exclusivement des serviettes hygiéniques.

Au cours des 12 derniers mois précédant la date de l’enquête, 13 % des répondantes déclaraient avoir changé de type de protection, principalement pour utiliser des coupes menstruelles.

Cette enquête a également mis en évidence une insuffisance des mesures d’hygiène, en particulier le lavage des mains, que ce soit avant ou après le changement de protection, et la durée de port. Les recommandations figurant dans les notices d’utilisation des protections internes préconisent une durée de port maximale entre 4 à 8 h. Elles semblent peu ou mal suivies par la majorité des utilisatrices de tampons, puisque 79 % d’entre elles déclaraient le garder toute la nuit. Près de 30 % des femmes ne changeaient pas de coupe menstruelle durant une journée entière (contre 2 % pour les tampons).

 

Les résultats de cette enquête ont été confirmés dans une étude française de 2022. Les durées de port en journée rapportées pour les tampons étaient supérieures à 5 heures pour 10,7 % des répondantes et à 8 heures pour 1,7 % d’entre elles, et pour les coupes menstruelles supérieures à 5 heures pour 39,7 % des répondantes et à 8 heures pour 8,3 %.

Concernant la perception des risques liés à l’utilisation des protections intimes, 81 % des répondantes estimaient qu’au moins un type de protection comporte un risque (principalement les tampons), mais peu les connaissaient précisément. Les risques d’infection et de « problèmes vaginaux » (irritation, ulcération, sécheresse, prurit, etc.) étaient identifiés pour toutes les protections alors que le syndrome de choc toxique menstruel (SCT) était cité uniquement pour les tampons et, dans une moindre mesure, les coupes menstruelles. D’une manière générale, les coupes menstruelles étaient perçues comme les protections les moins risquées.

Il est à noter que pour les irritations, ulcérations, sécheresses, etc., il n’existe pas d’études épidémiologiques. Ces manifestations sont rapportées par les utilisatrices, les gynécologues et par les fabricants à travers leur système de surveillance des produits commercialisés.

Qu’est-ce que le syndrome de choc toxique menstruel ?

Le SCT menstruel représente le principal risque lié au port de tampons et aux coupes menstruelles. Il s’agit d’une maladie rare causée par une toxine produite par une bactérie, le staphylocoque doré (la toxine du choc toxique staphylococcique, TSST-1). Une vingtaine de cas sont recensés par an en France (11 cas en 2020). En l’absence de déclaration obligatoire de cette pathologie, il n’est pas possible de connaître le nombre de cas réel en France. Le CNR des staphylocoques estime à environ cent cas par an en France de SCT menstruel.

Les premiers symptômes, non spécifiques de cette pathologie (de type grippal), apparaissent dans un délai de 3 à 5 jours après exposition. La toxine se diffuse dans le corps via la circulation sanguine et des atteintes de différents organes (foie, rein, systèmes nerveux et sanguin) commencent à être observées. Elles peuvent aboutir, dans de rares cas, à de graves complications pouvant aller jusqu’à l’amputation voire au décès.

Ce syndrome est lié aux conditions d’utilisation des protections intimes internes : une utilisation prolongée augmente le risque. Les protections d’une capacité d’absorption plus forte que nécessaire majorent mécaniquement ce risque, en augmentant de manière excessive la durée de port. En effet, coupes et tampons empêchent les menstruations d’être éliminées du vagin, où elles vont constituer un nutriment adéquat pour ce [staphylocoque présent chez environ 1 % à 4 % des femmes]. De quoi favoriser leur multiplication puis la production de toxine.

Afin de limiter les risques, l’Anses souligne ces conseils simples à destination des utilisatrices :

  • Respecter les recommandations d’utilisation propres à chaque protection, non seulement en ce qui concerne le temps de port des tampons et des coupes, mais également au pouvoir absorbant du tampon – qui doit être adapté au flux menstruel, afin qu’il soit changé régulièrement. Cette recommandation s’applique également aux coupes menstruelles.

  • N’utiliser un tampon uniquement que pendant les règles.

  • Respecter les règles d’hygiène liées à l’utilisation des protections intimes, notamment le lavage des mains avant et après leur changement.

L’Anses recommande également de renforcer l’information des professionnels de santé et des femmes sur cette maladie et ses symptômes.

Et au niveau réglementaire ?

L’Anses a préconisé que tous les fabricants affichent des indications claires relatives à ce risque sur les emballages et les notices d’utilisation des produits de protections intimes internes.

Cette recommandation a amené les pouvoirs publics français à publier un décret qui vise à renforcer la protection et l’information des consommatrices. Ce décret rend obligatoire, à partir du 1er avril 2024, l’affichage sur l’emballage et/ou dans la notice, de la composition de ces produits, des modalités et précautions d’utilisation et des risques sanitaires associés à la composition ou l’utilisation de ces produits.

Pour les protections intimes internes, des informations sur le risque de développer un syndrome de choc toxique menstruel doivent également être présentes sur l’emballage, ainsi que des recommandations d’usage pour diminuer ce risque, telles que : ne pas dépasser une durée de port de 6 heures, ne pas utiliser ces protections la nuit, consulter immédiatement un médecin en cas d’apparition de symptômes du SCT menstruel en l’informant des menstruations en cours, et retirer la protection.

Ces recommandations sont d’autant plus d’actualité que, dans son comparatif de fin 2023, l’association 60 millions de consommateurs relevait que la composition précise des protections périodiques figure rarement sur les emballages, voire est absente.

Céline Dubois a participé à la rédaction de cet article. Cheffe de projets scientifiques pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail de 2007 à 2023, elle est aujourd’hui ingénieure chimiste et responsable réglementation produits pour Arkema.
Aurélie Mathieu-Huart, adjointe à la cheffe d'unité Evaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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