« Les dépassements d’honoraires, c’est une honte »

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Jacqueline Fraysse : un médecin en politique, une politique en médecine

« Les dépassements d’honoraires, c’est une honte »

Médecine et politique font souvent bon ménage. Jacqueline Fraysse en est la durable illustration : cardiologue et députée Front de gauche, elle exerce conjointement ces deux sacerdoces depuis les années 1970.

 

Deux vocations pour le prix d’une : Jacqueline Fraysse est médecin depuis 1976, et parlementaire depuis 1978. Elle a mené ses deux carrières simultanément : l’une au centre de santé municipal d’Argenteuil en tant que cardiologue, et l’autre à l’Assemblée (« j’ai juste fait un petit stage de neuf ans au Sénat », sourit-elle), dans les rangs du Parti communiste puis du Front de gauche.

Il s’est baladé en disant que c’est moi qu’il fallait élire

Les deux vies de Jacqueline Fraysse ont commencé de manière très différente. Pour la politique, cela s’est fait tout seul : « Mes parents étaient des militants, tous deux résistants et membres du Parti communiste », explique-t-elle.  « J’ai baigné dans ce bocal, et naturellement, je me suis engagée. »

Si bien que quand une conseillère générale de Nanterre prend sa retraite en 1976, le nom de Jacqueline Fraysse s’impose rapidement parmi les cadres locaux du parti pour prendre sa succession. Deux ans plus tard, elle conquiert son premier mandat de députée, adoubée par le sortant. « Il s’est baladé dans tout Nanterre et Suresnes en me prenant sous le bras et en disant que c’était moi qu’il fallait élire », raconte-t-elle.

Je ne sais pas ce qu’il m’a dit, mais j’ai dit que je voulais être médecin

Pour la médecine, en revanche, c’est une autre histoire. « J’étais destinée à être institutrice », se souvient la députée : une carrière qui rassurait son père en lui offrant un avenir stable. Mais un été, elle discute avec un jeune étudiant en médecine. « Je ne sais pas ce qu’il m’a dit, mais en rentrant, j’ai dit que je voulais être médecin ! », se souvient l’intéressée.

Au terme d’un parcours semé d’embûches, elle empoche son diplôme et met en place une organisation millimétrée. Du mardi au jeudi dans l’hémicycle. Le lundi et le vendredi au centre de santé. Un emploi du temps qui va se complexifier en 1988, lorsqu’elle devient maire de Nanterre.

La politique ne change pas la façon dont on écoute les cœurs

Quand on lui demande si le fait d’être médecin a influencé sa manière de faire de la politique, elle approuve sans hésiter.  Son métier lui permettait de maintenir un lien avec la réalité, « qui est parfois un peu oubliée par certains à l’Assemblée », tacle-t-elle.

Et la réciproque est-elle vraie ? Dans un premier temps, la cardiologue dément : « Faire de la politique, ça ne change pas la façon dont on écoute les cœurs », explique-t-elle. Mais quand on creuse le sujet, on se rend compte que son positionnement politique et sa vision de la médecine dessinent un parallélisme presque parfait.

Halte au paiement à l’acte !

« Il y a beaucoup d’argent dans ce pays », constate l’ancienne communiste, « et il n’est pas normal de voir que certaines personnes n’ont plus accès à des soins de qualité ». Forfaits et déremboursements la révoltent, et elle ose le dire : « Les dépassements d’honoraires, c’est une honte ! ».

Idem pour la question des modes d’exercice. « Je plaide pour arrêter le paiement à l’acte », déclare-t-elle tout de go, sans craindre une seconde de se mettre à dos la quasi-totalité des confrères libéraux. « Aujourd’hui, le salariat est sans conteste la meilleure façon de rémunérer les médecins », ajoute en connaissance de cause celle qui a fait toute sa carrière en centre de santé.

Jacqueline Fraysse a pris sa retraite de médecin depuis deux ans. Et pour la politique ? Réponse l’année prochaine.

 

What’s up Doc a entamé une série de portraits sur les médecins en politique. Pour lire le premier épisode sur Bernard Jomier, adjoint écolo à la maire de Paris, c’est par ici.

Source:

Adrien Renaud

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