Le drame de Reims alerte sur la crise de la psychiatrie, et après ?

Article Article

Une minute de silence a été observée ce midi dans tous les hôpitaux de France en hommage à l'infirmière Carène Mezino, tuée au CHU de Reims par un homme souffrant de troubles psychiatrique. Un drame qui remet en lumière l'effondrement de longue date de ce secteur.

Le drame de Reims alerte sur la crise de la psychiatrie, et après ?

Minute de silence au CHU de Reims le 24 mai 2023.

© Capture CNews

Le meurtre "repose immédiatement la question de la situation catastrophique de la prise en charge des malades mentaux dans nos établissements psychiatriques", a réagi mardi Force ouvrière Santé, après l'annonce du décès d'une infirmière de 37 ans, poignardée lundi au CHU de Reims.

Selon les premiers éléments de l'enquête, l'agresseur, un homme de 59 ans sous curatelle, souffrait de troubles psychiatriques sévères et s'était déjà montré violent à plusieurs reprises.

Même s'il n'est pas possible à ce stade de déterminer quel rôle précis a joué sa pathologie - dont on ignore d'ailleurs la nature -, des questions se posent déjà sur le suivi psychiatrique dont il faisait l'objet.

"Le patient ne prenait pas son traitement depuis plus d'un an", a rapporté à l'AFP une source syndicale locale qui a requis l'anonymat.

« On va vivre des moments tendus en termes de psychiatrie »

Plusieurs acteurs du monde hospitalier voient donc dans ce drame une nouvelle illustration des difficultés de la psychiatrie française, un secteur plongé dans une profonde crise depuis plusieurs décennies.

"On va vivre des moments tendus en termes de psychiatrie" ces prochaines années, a reconnu sur RTL Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF).

Il a employé un terme omniprésent chez les observateurs du secteur : la psychiatrie est le "parent pauvre" du système de santé français.

Le constat est le même sur le terrain, en des termes souvent plus virulents que ceux d’Arnaud Robinet, par ailleurs maire de Reims et membre de la majorité présidentielle (Horizons).

Et il ne date pas de cette semaine.

Ces derniers mois, les principales organisations de psychiatres à l'hôpital ont plusieurs fois dénoncé le "délabrement avancé" du secteur et le "grand mépris du gouvernement".

Le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie a diminué de 20% entre 1997 et 2021

La psychiatrie connaît des problèmes communs à tout l'hôpital, mais amplifiés par les spécificités des troubles mentaux : ces derniers nécessitent souvent un suivi de longue haleine et les traitements médicamenteux doivent généralement être accompagnés de psychothérapies, qui supposent de longues consultations.

Pour y répondre, les moyens de l'hôpital public apparaissent inadéquats, ce qui se traduit pour de nombreux patients, en particulier les enfants et adolescents, par l'impossibilité de trouver un rendez-vous pendant de longs mois et de bénéficier ensuite d'un suivi suffisamment régulier.

Un chiffre montre que cette tendance remonte à loin : entre 1997 et 2021, le nombre de lits d'hospitalisation en psychiatrie a diminué d'environ un cinquième, de presque 100 000 à un peu plus de 80 000.

Cette baisse n'est pas évidente à résorber car elle reflète un manque de soignants - psychiatres et infirmiers spécialisés -, faute de revenus et de conditions de travail satisfaisantes dans les hôpitaux.

« Ce n’est pas en claquant des doigts que nous allons avoir plus de médecins demain, il faudra attendre 10 ans »

Ces conditions peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les patients hospitalisés. En 2021, plusieurs dizaines de psychiatres dénonçaient, dans le journal Le Parisien, un recours excessif à l'enfermement, y voyant la "honte" de leur discipline à cause d'une pression excessive sur les soignants.

Connue de longue date, la crise de la psychiatrie est donc revenue sur le terrain politique avec le drame de Reims : le chef de file des Républicains, Eric Ciotti, a ainsi appelé à un "grand plan psychiatrie", une préoccupation jusqu'alors rarement exprimée à droite.

Mais "ce n'est pas en claquant des doigts que nous aurons plus de médecins demain, il faudra attendre 10 ans", a prévenu le ministre de la Santé, François Braun, à l'Assemblée nationale, défendant aussi le "partage de compétences avec des infirmières spécialisées".

Comme il l'a rappelé, le gouvernement a pris plusieurs mesures depuis le début de la présidence d'Emmanuel Macron. Mais, parmi les acteurs de la psychiatrie, elles sont jugées encore très insuffisantes.

La plus emblématique consiste à proposer le remboursement de plusieurs consultations chez un psychologue pour des troubles "légers à modérés".

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-regulateur-du-samu-sest-entete-sur-un-diagnostic-dangine-le-jeune-psychiatre-etait-en

Mais les montants remboursés sont jugés trop faibles par les psychologues, le nombre de consultations souvent insuffisant pour une thérapie efficace. En outre, de nombreux patients sont laissés de côté, leurs troubles étant jugés trop lourds pour un tel parcours mais pas assez graves pour une hospitalisation.

Avec AFP

Les gros dossiers

+ De gros dossiers