Le CHU de Guadeloupe est aux abois

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Le personnel parle de « médecine de guerre »

Le CHU de Guadeloupe est aux abois

Quatre mois après l’incendie qui a dévasté l’hôpital de Pointe-à-Pitre, la situation ne semble pas s’améliorer. La qualité des soins d’urgence est remise en question : une surmortalité de 43 patients est avancée par les syndicats.

« Il faut que les Guadeloupéens gardent confiance dans leur CHU », expliquait à What’s up Doc le directeur général du CHU de Pointe-à-Pitre, Pierre Thépot, quelques jours après l’incendie qui avait dévasté l’hôpital insulaire le 28 novembre dernier. Quatre mois plus tard, l’état des lieux semble catastrophique, à en croire les informations d'Europe1.

Le journaliste envoyé sur place rapporte une situation « alarmante », avec des conditions d’accueil dignes d’une zone de guerre et un manque cruel de matériel. Une situation telle qu’elle induirait des pertes de chances difficilement envisageables pour un hôpital français. Une surmortalité de 43 patients pour le début de l’année 2018 serait à déplorer, d’après Gaby Clavier, syndicaliste du Collectif de défense du CHU, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport à la même période en 2017 (des chiffres qu’il n’a pas formellement confirmés lors des interviews qui ont suivi).

Les ampoules d’adré mises de côté

Les patients des urgences sont accueillis dans des tentes sur le parking des ambulances. Un homme de 70 ans souffrant d’un AVC serait décédé quelques heures après son admission faute d’avoir pu être opéré en raison d’un manque de matériel, et une femme de 22 ans serait décédée en post-op car l’oxygène médicinal manquait dans les locaux, d’après l’enquête d’Europe1. Un anesthésiste aurait même décidé de garder les deux dernières ampoules d’adrénaline plutôt que de les utiliser sur une patiente, car celle-ci était déjà dans un état critique. Entre les tentes et la priorisation du matériel, on est dans la médecine de guerre.

Du côté de l’ARS, on pointe le taux d’absentéisme et une désorganisation temporaire des services. Un tiers du personnel serait en arrêt de travail, soit plus de 1 000 employés. Mais ces absences pourraient être, au moins en partie, attribuées aux conditions de travail désastreuses. En février, le Dr Mona Hedreville, cardiologue au CHU de Pointe-à-Pitre, dénonçait des arrêts de travail causés par la qualité de l’air, avec notamment des malaises, des taux élevés de monoxyde de carbone dans le sang, et des troubles neurologiques chez certains soignants.

Les médecins soignent leurs soins

L’enquête d’Europe1 fait également référence à une dizaine de décès de bébés « à cause du matériel et des secousses pendant les transferts ». Dans l’attente des résultats d’enquêtes officielles, difficile d’attribuer l’augmentation du nombre de décès aux conditions matérielles, et tout aussi difficile d’expliquer le manque apparemment criant de matériel.

Mais un indice semble valider l’état désastreux dans lequel se trouve le CHU : les médecins en besoin de traitements ou en suivi de grossesse choisissent de rentrer en métropole pour se soigner.

Source:

Jonathan Herchkovitch

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