La polémique sur les masques vendus en grande surface est-elle sérieuse ?

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Les Conseils professionnels des ordres professionnels ont tiré à vue sur les grandes surfaces, qui ont promis des millions de masques dès ce 4 mai pour tous les Français. Les conseils les accusent d'avoir constitué des stocks et de ne les avoir pas fournis aux soignants quand ils en avaient besoin. 

La polémique sur les masques vendus en grande surface est-elle sérieuse ?

La polémique sur la commande de millions de masques par les grandes surfaces va-t-elle finalement s’éteindre ? Pour rappel, les grandes surfaces, en particulier Leclerc et Carrefour, se sont livrés jeudi et vendredi dernier à un concours de communiqués et de déclarations tonitruantes pour annoncer qui de ces monstres de la grande distribution bénéficieraient de la plus grande quantité de masques le 4 mai. Chacun y est allé de ces annonces sur leurs millions de masques disponibles, sans savoir que ces annonces allaient se retourner contre leurs promoteurs.
Dès le 30 avril, l’ensemble des ordres professionnels de santé dénonçaient l’attitude de ces grandes enseignes, qualifiées de « profiteurs » par les ordres réunis : «  Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuitscde distribution ? » Car il n’est pas question, uniquement, pour ces grandes surfaces, de vendre des masques grand publics, alternatifs, mais aussi des masques chirurgicaux, annoncés par les pouvoirs publics comme étant réservés aux professionnels et qui manquent encore cruellement à un certain nombre d’entre eux, comme le dénonçait une récente enquête du SNPHARE ? Certains n’hésitant pas à accuser la grande distribution d’avoir accumulé des stocks de masques au moment où les soignants en manquaient le plus, et mettant en demeure la grande distribution de prouver qu’elle les avait bien commandé récemment. Tel Renaud Muselier, qui a menacé de porter plainte si les grandes enseignes n’étaient pas capables de produire cette semaine, les bons de commande qui prouvent qu’elle ont bien commandé lesdits masques à partir du 23 avril, et qu’elle ne les avait pas accumulés dès le début du mois de mars :

Démenti de Carrefour

Carrefour a dû dans la foulée publié un communiqué de presse pour assurer qu’elle avait bien remis la totalité de ces stocks jusqu’au 21 mars : « Jusqu’au 21 mars 2020, les masques jetables avaient été placés sous un régime de réquisition afin de faire bénéficier le monde de la santé des stocks et de la production français. Au cours de cette phase, Carrefour a remis l’intégralité de son stock de masques afin qu’il soit orienté vers les personnels de santé. »
En revanche, Carrefour informe que dès le 21 mars, en règle avec la libéralisation de masques décidée le 21 mars, elle a commandé 30 millions de masques pour ces personnels. Mais ce n’est que le 24 avril que, sollicitée par le gouvernement, Carrefour a commandé 225 millions de masques pour le grand public et 40 millions pour ses collaborateurs. Et d’ajouter : « les masques seront vendus à prix coûtant. » La Fédération du commerce et de la distribution a elle aussi publié un communiqué qui juge outrancier le communiqué des Ordres professionnels. « La FCD appelle ces organismes d’ordre public à rectifier d’urgence cette communication fausse, comme vient d’ailleurs de le faire l’ordre des chirurgiens-dentistes ».
À l’instar de Carrefour, elle rappelle que « nos enseignes n’avaient pas non plus le droit, jusqu’à ces derniers jours, de vendre des masques au grand public. La seule autorisation, depuis fin mars, a été d’en acheter sur les marchés internationaux, pour assurer la sécurité de nos propres salariés et pour approvisionner les PME, à la demande de l’Etat. L’Etat a récemment demandé aux pharmacies, buralistes et magasins de la grande distribution de vendre, à compter du 4 mai, des masques grand public. L’autorisation a été donnée le 24 avril. Nous avons accepté de le faire, dans des conditions strictement encadrées, tant en termes de prix que de mode de distribution. » La FCD réfute l’existence de stocks cachés. Dans une série de tweets, Michel Edouard Leclerc, PDG des magasins Leclerc, a lui aussi récusé les accusations des Ordres :

Comme pour éteindre définitivement la polémique, le ministre de la Santé Olivier Véran affirmait dans Le Parisien du 2 mai que « 100 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par semaine » seraient mis à la disposition des professionnels de santé.

Cela n’a pas empêché le syndicat Jeunes médecins de se retourner contre le gouvernement en allant demander son avis au Conseil d’État. « Alors qu’un certain nombre d’enseignes de la grande distribution annoncent qu’elles sont parvenues à sécuriser l’approvisionnement de millions de masques chirurgicaux, les soignants en sont réduits à se rationner et à fabriquer des masques de fortune, s’exposant ainsi au coronavirus sans protections adéquates. Cherchez l’erreur ! Une nouvelle fois, Jeunes Médecins saisit le Conseil d’État afin de forcer le gouvernement à préserver le personnel soignant d’un bilan humain trop lourd en réquisitionnant tout matériel de protection indispensable pour leur permettre d’apporter leurs soins à la population dans des conditions sécurisées. Il n’est pas admissible de savoir nos collègues à la merci de ce virus alors même qu’ils pourraient être protégés. » La suite lorsque les sages du Conseil auront statué.

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