La fermeture des petites maternités fait (presque) l’unanimité

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La quasi-totalité des spécialistes du secteur soutiennent le projet du Pr Yves Ville de fermer plus d’une centaine de petites maternités.

La fermeture des petites maternités fait (presque) l’unanimité

© IStock 

C’est un rapport qui n’a été ni rendu public, ni adopté et qui fait pourtant déjà beaucoup couler d’encre. La semaine dernière, le Pr Yves Ville, ponte de la gynécologie parisienne, a présenté à l’Académie de Médecine un plan proposant de fermer (ou plutôt d’y faire cesser les accouchements) les 111 maternités qui réalisent moins de 1 000 accouchements par an, soit près d’un quart des 452 établissements que compte la France.

Selon le Pr Ville, ces petites maternités, qui manquent d’effectifs, ont souvent recours à des intérimaires, tandis que le personnel manque globalement d’expérience, ce qui représente un danger pour la santé des mères et des enfants. « On doit regrouper 100 maternités en France, au nom de la sécurité de la mère et de l’enfant, si on ne le fait pas, on court à la catastrophe » explique l’Académicien. Alors que notre système de santé fait face à une pénurie de gynécologues et surtout de sage-femmes, le praticien de l’hôpital Necker appelle à concentrer les effectifs dans les grandes maternités, afin d’y améliorer les conditions de travail pour qu’elles ne soient plus perçues comme des « usines à bébé ». Les petites structures qui ne réalisent plus d’accouchements deviendraient des centres de périnatalité, où les futures mères seraient prises en charge avant et après l’accouchement.

Alors que le nombre de maternités ouvertes en France a baissé de 30 % ces vingt dernières années, accélérer cette diminution du nombre d’établissements pourrait être perçu comme dangereux pour le maillage territorial. Pourtant, depuis sa révélation par la presse, le plan du Pr Ville est plutôt bien accueilli par les représentants des professionnels de santé.

Une proposition défendue par les médecins…

Ce lundi, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE) a ainsi, dans un communiqué, « salué la publication du rapport de l’Académie de Médecine sur les maternités ». « Ce rapport propose des mesures réalistes relatives à l’accès aux soins, aux moyens humains, à l’organisation des parcours de soins afin de garantir la sécurité des futures mères et des enfants à naître » écrit le syndicat de PH.

Samedi dernier, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, ce sont six sociétés savantes et collèges nationaux ainsi qu’une association de patients qui ont exigé que soit « repensé et réorganisé notre système de soin périnatal ». Dressant un tableau noir de la périnatalité en France, avec une détérioration des taux de mortalité infantile et de mortinatalité ces dix dernières années et une baisse importante des effectifs de gynécologues et de sage-femmes dans les maternités, le groupe de spécialistes reprend à son compte la proposition du Pr Ville de fermeture des petites structures.

« La dimension plus modeste des équipes est synonyme de charges supplémentaires de travail, de responsabilités accrues et d’une moindre sécurité. Les plateaux techniques doivent être regroupés dans les maternités mieux équipées qui offrent des conditions de travail permettant d’accompagner les patientes et leurs enfants en toute sécurité » peut-on lire dans la tribune.

…mais potentiellement impopulaire

Cosignataire de la tribune, le Dr Joelle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF) avait déjà affirmé dès jeudi dernier que « transformer les petites maternités réalisant un faible volume d’accouchement en centre périnatal de proximité et regrouper les forces dans les maternités faisant plus de mille accouchements est une excellente idée que le CNGOF a toujours promue ».

Seule voix discordante dans cette quasi-unanimité, celle du Dr Michèle Leflon, présidente de la coordination nationale des comités de défense des maternités de proximité. Selon elle, le plan du Pr Ville ne prend pas en compte les aspirations des mères, qui souhaitent pouvoir accoucher le plus près possible de chez elles et risque d’accentuer la désertification médicale. « La fermeture de plus de 100 maternités n’améliorera pas la sécurité des femmes enceintes, au contraire » estime-t-elle. Elle participe d’ailleurs ce mardi à une manifestation dans la ville de Lannion en Bretagne dont la maternité est menacée de fermeture.

La balle est désormais dans le camp des autorités sanitaires. Mais les différents spécialistes du secteur ont bien conscience que la question n’est pas que scientifique et que la fermeture des maternités est un terrain politiquement dangereux. « Fermer des maternités n’est pas populaire et les élus, locaux comme nationaux, s’y refusent » reconnaissent les auteurs de la tribune du Monde.

Nicolas Barbet

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