« Je n’aimerais pas me faire tirer dessus tous les jours »

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« Je n’aimerais pas me faire tirer dessus tous les jours »

Dans un livre à paraître en novembre*, le Dr Jean-Baptiste Delmas, président-fondateur de SOS médecins, revient sur ses quarante ans de visites à domicile. Il raconte à What's up Doc comment ce mode d’exercice si particulier a évolué.  

 

What’s up Doc. A la lecture de votre livre, on se dit qu’en quarante ans de service chez SOS médecins, vous avez dû voir les choses évoluer. Qu’est-ce qui a changé ? 

Jean-Baptiste Delmas. Je crois que ce qui a le plus changé, ce sont les pathologies que l’on voit passer au cours de nos visites. Il y en a plusieurs que l’on ne croise presque plus, comme l’œdème du poumon… Avant, on avait régulièrement des appels tôt le matin, pour des hommes de 50-60 ans présentant une toux importante : on savait presque instantanément que l’on avait à faire à un œdème du poumon, pas à une bronchite. Ces appels ont disparu, notamment parce que les médecins traitants effectuent des suivis plus poussés, et parce que que les patients sont bien plus à l’écoute de leur symptômes. 

WUD. Tant mieux !  

JBD. Oui, tant mieux, mais d’une certaine manière, cela rend notre travail plus difficile. Les patients, plus attentifs, vont voir leur médecin traitant pour les pathologies classiques. Nous devons de notre côté interpréter des symptômes plus subtils. 

WUD. Quels sont les autres aspects de la pratique que vous avez vus changer en quarante ans ?

JBD. Les sutures et les sondages urinaires sont des pratiques qui ont presque totalement disparu des visites à domicile, car elles ne se justifient plus d’un point de vue médico-légal. On exerce dans un environnement de plus en plus sécuritaire, et à Paris, on peut facilement transférer un patient à l’hôpital.

WUD. A vous lire, il n’y a pas que la pratique qui a changé. Les patients semblent aujourd’hui plus agressifs, moins confiants dans le médecin…

JBD. Vous savez, la venue de SOS médecins au domicile du patient, c’est assez particulier. Les gens font souvent appel à nous de nuit, ils sont majoritairement gênés du désordre, reconnaissants de nous voir arriver plutôt qu’agressifs. Les incidents désagréables que je rapporte dans mon livre ne représentent qu’un très faible pourcentage de mes visites. Et heureusement ! Je n’aimerais pas me faire tirer dessus tous les jours, comme cette fois où nous évacuions une patiente en plein délire érotomaniaque qui criait « au viol ! » alors que nous la faisons monter dans l’ambulance. Un consciencieux voisin, se fiant aux cris de la patiente, a alors décidé de nous tirer dessus avec sa carabine 22 long rifle pour la sauver…

WUD. Quelles sont les spécificités de l’exercice médical chez SOS médecins à Paris? 

JBD. Le nombre de médecins généralistes dans la capitale est, par rapport à la population, assez faible. Selon nos derniers sondages, ils sont moins de 900 diplômés et à faire de la médecine générale, installés en cabinet, avec visites à domicile, etc. On parle souvent du désert médical de l’Ardèche, mais Paris n’est pas vraiment mieux de ce point de vue là… Sans compter le fait que la majorité des Parisiens n’a pas de voiture, donc finalement, dès qu'ils se retrouvent dans des conditions un peu exceptionnelles comme la nuit ou le week-end, ils n’ont pas le choix, ils appellent SOS. 

WUD. Conseillez-vous l’exercice chez SOS médecins pour les jeunes praticiens ? 

JBD. Tout à fait ! D’ailleurs, pour ceux qui viennent de finir leur études, c’est un excellent moyen d’acquérir de l’expérience sur le terrain. Et qui sait, ils pourraient rester chez SOS. Tenez, moi ça fait 40 ans que j’y suis !  

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* Médecin SOS, sur la route de vos urgences, aux Éditions de l'Opportun, à paraître le 3 novembre.

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