Jacques Domergue

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PU-PH de Chirurgie digestive et Directeur de l’ICM (Institut du Cancer de Montpellier).

Jacques Domergue

Quelle est la première fois où…

 

…tu as voulu faire médecine ?

Je n’ai pas voulu être médecin, j’ai voulu être chirurgien ! J’avais été très impressionné par les premières greffes de cœur en 1967 par Christian Barnard, ça me fascinait. Je ne suis pas issu d’une famille médicale, mon père était commerçant. Mais j’ai toujours voulu faire médecine, pour être chirurgien. Je trouvais ça fantastique.

 

…tu as examiné un patient ?

Je devais être l’équivalent d’externe, en 1973. J’étais passé dans les services de pneumo, de cardio. On n’examinait pas trop à l’époque, on « voyait » des patients ! Je me souviens en gastro d’un patient qu’on avait vu assis sur son lit. Notre patron faisait beaucoup d’anapath, et le lendemain dans l’amphithéâtre, son foie était sur le baquet. Il était mort dans la nuit et son foie avait été prélevé pour l’analyser. Ça m’avait marqué !

 

…tu as eu raison contre ton chef ?

En 1983, je devais prendre un poste de chef de clinique chez le Professeur Marchal. C’était LE grand chirurgien de Montpellier, l’un des premiers à faire des greffes de foie en Europe. C’était un service qui avait une énorme activité, mais concentrée sur le fils du patron. Il ne restait pas grand-chose pour les deux autres assistants. Moi j’avais envie de me former et de bien me former.J’ai donc mal vécu la façon dont fonctionnait ce service. J’ai finalement pris un poste de chef chez le Professeur Pujol, dans le CRLC (Centre de Recherche et de lutte contre le Cancer) que je dirige actuellement. Je suis allé voir le Professeur Marchal pour lui dire que je ne prendrai pas mon poste chez lui. Il m’a répondu « mais vous n’y pensez pas ! C’est très difficile de trouver un poste » « Si je viens vous voir, c’est que j’ai déjà trouvé autre chose… ». Là, j’ai réussi à le scotcher !

 

…tu as voulu faire de la chirurgie digestive ?

Je me suis orienté très tôt dans l’internat. Après six mois d’urologie et six autres de neurochirurgie, j’ai fait mon service militaire au Sénégal. On posait beaucoup de plaques. J’ai compris que ce n’était pas pour moi ! J’ai toujours beaucoup aimé l’anatomie, la dissection, et à mon sens le digestif est la plus belle des chirurgies. Pas la plus belle des spécialités, parce qu’elle est très dure, mais la plus belle des chirurgies ! Le pronostic vital est très souvent en cause. L’orthopédie, on marche de travers, on peut enlever un clou, on en met un autre. Mais en digestif, quand ça foire… ça foire !

 

…tu as envisagé une carrière hospitalo-universitaire ?

J’ai été major d’internat, et quand tu es major, on te laisse pressentir qu’on veut faire de toi un PU. J’avais fait mon clinicat au CRLC et ma carrière était bouchée, il n’y avait pas de poste universitaire à pourvoir. Finalement, quand Marchal est parti à la retraite, son fils n’avait pas le niveau pour prétendre à un poste de PU. Le doyen m’a donc demandé 5 ans plus tard de revenir comme assistant dans ce service pour être nommé, et c’est ainsi que je suis devenu PU !

 

Une sorte de vengeance quelque part ?

Je ne l’ai pas vécu ainsi. Je suis ami avec le fils maintenant, il n’y a pas de problème. Mais c’est sûr que pour être PU, il faut faire davantage que de la clinique. Il faut faire du labo, publier… Je suis parti aux Etats-Unis pendant un an, je parle anglais. J’avais cette ouverture d’esprit qu’eux n’avaient pas.

 

Et la dernière fois où…

 

…tu n’as pas su faire ?

J’ai perdu un malade sur table. C’était une greffe de foie. J’en ai fait peut-être 300 ou 400. Et une fois, on a été dans l’impossibilité de rebrancher le foie, parce que le malade avait trop saigné. C’est terrible, parce que tu te bats comme un lion, ça saigne partout, c’est l’horreur. Quand tu n’arrives pas à rebrancher l’organe, c’est très dur…

 

…tu as examiné un patient ?

Ce matin ! Un patient qui a un cancer du poumon. Je garde une activité clinique même en tant que directeur (très petite).

 

…tu as été ému ?

Ca m’arrive souvent ! La dernière fois, c’était il y a une quinzaine de jours, parce qu’on a perdu un malade après une intervention sur une hémorragie digestive. On a repris mais ça n’a pas suffit... moment difficile et encore plus face à la famille.

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