Faire médecine en Roumanie : la tentation du contournement

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Face à la sélection française en première année de médecine, de plus en plus de jeunes choisissent l’exil universitaire. Direction la Roumanie, où les frais de scolarité remplacent le concours, et où le diplôme reste reconnu dans toute l’Union européenne. Mais ce choix interroge sur la justice du système et la qualité de la formation.

Faire médecine en Roumanie : la tentation du contournement

© Midjourney x What's up Doc

À 19 ans, Clothilde* a quitté le Loiret pour rejoindre Arad, à la frontière de la Hongrie. Elle y poursuit sa deuxième année de médecine. « Je voulais découvrir autre chose, vivre à l’étranger, apprendre dans un autre cadre. Et puis, ici, le diplôme est reconnu dans toute l’Union européenne », explique-t-elle à France 3 Centre-Val de Loire.
Dans son université roumaine, pas de sélection par concours : l’admission se fait sur dossier, contre 9 500 € de frais de scolarité par an. « C’est beaucoup de travail, mais ce n’est pas la même pression qu’en France. Ici, tu n’as pas les concours et la sélection de la première année », confie l’étudiante. Elle reconnaît cependant que « le niveau n’est pas le même », les cours étant « plus simples, moins denses » qu’en France.

Un choix accessible à ceux qui peuvent payer

Clothilde ne fait pas figure d’exception. Près de 4 000 étudiants français suivent aujourd’hui un cursus universitaire en Roumanie, dont plus de 90 % en médecine humaine ou vétérinaire, selon le gouvernement français. À Cluj, ils étaient encore environ 800 cette année, contre plus de 1 000 en 2022.
Pour beaucoup, cette voie représente une échappatoire à un système jugé trop sélectif. Mais pour d’autres, elle pose un problème d’équité. « Ceux qui partent sont souvent ceux qui peuvent se le permettre, car c’est très cher », déplore Gabriel, étudiant en quatrième année de médecine et représentant de l’ANEMF à Tours. Il dit comprendre la démarche, mais s’inquiète d’une « injustice sociale » : « Ce serait injuste pour ceux qui se battent dans le système français. »

Une rigueur à géométrie variable

En France, la première année reste une épreuve redoutable. « Si on ne supporte pas la première année, c’est qu’on n’est peut-être pas fait pour ça », estime Patrick Petit, président du Conseil de l’ordre des médecins du Centre-Val de Loire. Selon lui, la sélection forge la rigueur et la solidité psychologique indispensables à la pratique médicale.
Il redoute qu’en contournant le système, on favorise une « médecine à deux vitesses » : « Ceux qui voudraient éviter la sélection en première année et revenir sans contrainte, c’est toute l’ambiguïté du système. »

Le doyen de la faculté de médecine de Tours, Denis Angoulvant, partage cette inquiétude. « Ceux qui n’ont pas réussi la sélection ne devraient pas pouvoir la contourner simplement en payant leurs études ailleurs », explique-t-il à France 3 Centre-Val de Loire. Il s’oppose à la proposition de réintégrer automatiquement dans les hôpitaux français les étudiants formés en Roumanie : « J’ai déjà du mal à trouver des terrains de stage pour tous mes élèves. Si on m’impose d’accueillir 300 étudiants venus de Roumanie, ce serait injuste. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/je-nai-pas-fait-6-ans-de-medecine-en-roumanie-pour-rentrer-en-france-dans-une-specialite-qui-me-plait-moins

Un diplôme reconnu, mais un retour incertain

Le diplôme roumain est reconnu dans toute l’Union européenne. Les diplômés peuvent donc revenir exercer en France et s’inscrire à l’Ordre des médecins. Mais le retour n’est pas automatique : 83 % des étudiants formés à l’étranger échouent à l’examen final pour accéder au troisième cycle, contre 3 % pour ceux formés en France, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins.

*Le prénom a été modifié pour respecter l’anonymat, conformément à la volonté de la témoin.
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