Double peine

Article Article

Ciné week-end : L'amant double, de F. Ozon (sortie le 26 mai 2017)

Double peine

Chloé, une jeune fille « fragile » souffrant de maux de ventre depuis toujours, entame une thérapie sur les conseils de sa gynéco mais l’interrompt quand il lui avoue son amour pour elle. Ils se mettent en couple, alors qu’elle est apparemment guérie. Mais ses troubles semblent reprendre lorsqu’elle découvre que son psy de mari a un secret…Auteur d’un thriller psychanalytique alambiqué et sursignifiant, Ozon alterne entre clichés et aberrations et nous offre une œuvre…indigeste !

Double peine, vraiment, que celle ressentie au sortir de ce film tout juste présenté à Cannes. Déjà parce que c’est Cannes, et qu’on attendait forcément beaucoup du retour de Ozon dans le grand bain. Aussi, et surtout, parce qu’après le formidable Frantz, on pensait que le cinéaste avait opéré un réel tournant dans sa carrière.

Il semble hélas que sa trajectoire soit toujours autant chaotique, on peut même estimer qu’il s’agit cette fois-ci d’une véritable sortie de route. Ce n’est pourtant pas de la faute de ses acteurs, convaincants parce que convaincus par l’histoire et bien dirigés. Et son talent pour la mise en scène est toujours autant efficace, certaines séquences étant d'une virtuosité qu’il n’avait jamais atteinte auparavant. Alors, pourquoi ?...

Une histoire invraisemblable 

La seule raison de son ratage est qu’il nous raconte très mal une histoire invraisemblable. Mais elle est, hélas, impardonnable. C’est lui, après tout, qui a choisi d’alourdir – c’est un euphémisme – son propos d’innombrables ressorts scénaristiques inutiles (la fameuse voisine inquiétante, l’habituel fait divers qui refait surface etc), symboles saturants (les francs-maçons et les psychanalystes prendront leur pied...) et références cinématographiques évidentes (le thème du double a été traité de façon très proche par Hitchcock, De Palma, Cronenberg, entre autres). Pourtant, ce beau portrait de femme aurait pu, avec les ellipses qu'a si bien su manier le réalisateur de Swimming Pool et Sous le sable, être infiniment plus resserré et convaincant.

Une vision erronée de la psy'

Nous avouerons cependant que notre statut de psy rend le travail d’Ozon difficile à juger dans sa globalité. Sa vision de la psychologie féminine et de la pathologie psychiatrique est tellement simpliste qu’elle en devient erronée. Elle s’appuie surtout sur des poncifs qui enlèvent toute originalité à un scénario qui se voulait probablement malin.

Mais, en créant un personnage de psychiatre tellement enragé de la perversion qu’il en devient comique, Ozon a-t-il voulu suggérer que le vrai pervers, celui que l’on ne voit pas et de qui, finalement, l’on n’apprendra strictement rien, est celui qui tombe amoureux de sa patiente tout en ne semblant se rendre aucunement compte des conséquences que cela pourrait avoir sur elle? La responsabilité de sa décision dans le processus psychique à l’œuvre n’est en tout cas même pas évoquée, alors qu’il est clair que c’est quand le fantasme contamine la réalité que Chloé se met à projeter sur lui des choses qui, au final, n’appartenaient qu’à elle…

Source:

Guillaume de la Chapelle

Les gros dossiers

+ De gros dossiers