Dérives sectaires : Les autorités en guerre contre les « gourous 2.0 »

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La nouvelle loi contre les dérives sectaires et de nouveaux moyens attribués à la Miviludes (Mission contre les dérives sectaires) sont censés mieux les combattre. Mais si les nouvelles mesures sont saluées par les professionnels de santé, ceux-ci insistent aussi sur le nécessaire renforcement de la prévention.

Dérives sectaires : Les autorités en guerre contre les « gourous 2.0 »

© Midjourney x What's up Doc

Avec cette loi, "j'ai décidé de m'attaquer aux fameux gourous 2.0, pour lesquels les réseaux sociaux démultiplient les possibilités d'atteindre leur cible", martèle la secrétaire d'Etat chargée de la citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache, lors d'un entretien à l'AFP.

Depuis 2015, la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a constaté un "doublement des signalements", dont le quart en rapport avec la santé.

Sanctionner les pressions et les manœuvres réitérées

L'article-phare du texte, qui a provoqué tant d'opposition à l'Assemblée et au Sénat, et lui a même valu une saisine du Conseil constitutionnel, crée un nouveau délit de provocation à l'abandon de soins, y compris en ligne, passible d'une peine allant jusqu'à 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende.

"Vous dites à quelqu'un qui a un cancer du sein : arrête la chimiothérapie, prends du jus de légume à la place, tu vas guérir. C’est une provocation à l'abandon de soins", explique la ministre.

"Il s'agit de punir une provocation par des pressions ou manœuvres réitérées, pas ceux qui disent une fois la vaccination c'est pas bien", a précisé à l'AFP le chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant, ajoutant que le délit vise des personnes mal-intentionnées qui par exemple "citent de fausses études, des éléments trompeurs ou induisant en erreur, ou des conseils répétés, des messages envoyés individuellement" et allant à l'encontre du consensus médical.

Des effectifs doublés pour la Miviludes 

La Miviludes pourra éclairer la justice grâce à son expertise sur la qualification des faits, lorsqu'elle saisira les parquets.

Ses effectifs passeront de huit temps plein actuellement à 19 avant la fin de l'année, annonce Mme Agresti-Roubache.

Cette nouvelle incrimination s'imposera également aux plateformes comme Youtube, qui devront supprimer les contenus jugés illicites par la justice.

Au-delà de la répression, des enjeux psychologiques

Mais au-delà de son aspect répressif, le texte, assure Donatien Le Vaillant, permettra une "meilleure réparation pour les victimes". Jusqu'à présent, la loi était "un peu calquée sur un modèle très années 80, d'un groupe qui exerce une pression pour des abus financiers. Or au-delà des atteintes aux biens, on a de plus en plus d'atteintes aux personnes", explique-t-il.

La prise en charge psychologique de personnes très affectées après avoir été sous l'emprise de "dérapeutes", auparavant uniquement confiée à une association reconnue d'utilité publique, l'Unadfi, pourra désormais être assurée par d'autres associations qui seront agréées par les autorités.

Ces associations, pour lesquelles le ministère annonce flécher un million d'euros d'aides, pourront aussi se porter partie civile.

Médecins et gouvernement main dans la main

L'Ordre des médecins a exprimé sa satisfaction auprès de l'AFP: "C'est un outil juridique supplémentaire qui va nous permettre d'agir en amont des dérives", a commenté le Dr Claire Siret.

Même constat du Dr Pierre de Brémond d'Ars, du collectif No FakeMed, en lutte contre les charlatans de la santé, qui insiste toutefois sur l'importance de "faire de la prévention, lutter contre la désinformation".

Le gouvernement a bien lancé une campagne grand public sur les réseaux notamment, appelant les Français à ne pas croire aux "cures miracles", et la ministre a annoncé à l'AFP avoir "demandé un conseiller à l'Education nationale".

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/la-miviludes-alerte-sur-la-recrudescence-des-sectes-de-derapeuthes-therapeuthes-derapages

Le travail en amont délaissé par le ministère de la Santé 

Mais, déplore Pierre de Brémond d'Ars, "il faudrait surtout reprendre les travaux entamés par le groupe de travail sur les pratiques de soins non conventionnels" en 2023. Lors de réunions régulières, "on avait commencé à imaginer des outils de prévention, des outils de clarification entre les deux mondes du bien-être et de la santé", rappelle le médecin. Mais depuis le remaniement ministériel, les participants du groupe n'ont "aucune nouvelle" du ministère de la Santé ni de calendrier fixé, regrette-t-il.

Le Dr Claire Siret renchérit : "On a tellement avancé, il ne faudrait pas que ça tombe à l'eau..."

Avec AFP

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