Démarche qualité à l’anglaise : le coup de coeur d’un psychiatre francais

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Vérité en decà de la Manche, mensonge au-delà

Démarche qualité à l’anglaise : le coup de coeur d’un psychiatre francais

Olivier est un jeune psychiatre français installé à Londres. Notre article sur « Qualité mon Q », le livre de Dominique Dupagne qui éreinte la démarche qualité appliquée à la santé, l’a fait réagir. Il nous fait part de son expérience : la qualité heureuse, d'après lui, ça existe !

 

What’s up Doc.  En quoi ton point de vue sur la qualité est-il différent de celui qui est exposé dans le livre de Dominique Dupagne ?

Dr Olivier Andlauer. Je pense qu’en matière de démarche qualité, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est vrai que dans beaucoup d’endroits, la démarche qualité vient des tutelles. C’est la caricature de l’énarque qui se réveille un matin et qui dit : « tiens, on va faire de la qualité ». Il est naturel que face à ce genre d’approche très verticale, les gens ne soient pas impliqués. Mais il est possible de faire autrement, je l’ai expérimenté : la démarche qualité bien appliquée, ça existe !

WUD. Raconte-nous ton expérience…

OA. Je travaille dans un groupement hospitalier psychiatrique de l’est de Londres, le East London NHS Foundation Trust. Ce groupement a beaucoup investi de temps et d’énergie dans un programme qui s’appelle Quality Improvement [amélioration de la qualité, ndlr]. Le principe, c’est que les choses doivent venir de la base. La direction fixe de grandes priorités, mais ce sont les équipes qui déterminent les problèmes sur lesquels ils veulent travailler, ainsi que les méthodes et les cibles pour y arriver. Par exemple, nous avons travaillé sur les listes d’attentes en psychothérapie, sur les violences en service d’admission, sur l’amélioration de la visite…

WUD. Concrètement, comment les choses se passent-elles ?

OA. On commence par faire une réunion avec l’équipe pour déterminer ce qu’on veut améliorer, et ce qu’on peut faire. Mettons qu’on veuille diminuer les incidents violents. On identifie des idées (par exemple, utiliser une échelle pour évaluer le degré d’agitation des patients), et on les teste. D’abord sur trois jours par exemple, puis on réfléchit : est-ce que l’échelle est vraiment utilisable ? Est-ce que les incidents diminuent ? On adapte, et on re-teste, par exemple pendant cinq jours. Avec ces nombreuses expérimentations, les choses grossissent petit à petit. Ca a très bien  marché dans nos hôpitaux : ça a généré un dynamisme, et les gens ont arrêté de dire « ça ne marchera jamais, c’est nul ». Ou du moins, ils le disent moins souvent.

WUD. Le personnel est-il incité financièrement à utiliser le Quality Improvement ?

OA. Non. L’administration a investi dans la formation et dans une équipe de soutien. Le bénéfice qu’on en tire, c’est de travailler dans de meilleures conditions. Et bien sûr, cela génère économies pour nos établissements, et il y a donc plus d’argent pour nos services.

WUD. Penses-tu qu’avec un peu de pédagogie, le Quality Improvement pourrait être appliqué en France ?

OA. Avec beaucoup de pédagogie, peut-être ! Culturellement, les Français sont sûrement plus défiants que les Britanniques vis-à-vis de ce genre de démarche. Mais les résultats sont intéressants : nous avons diminué de 30 % les incidents de violence, de plus de moitié les temps d’attente pour accéder aux psychothérapies, nous avons amélioré la perception de la visite… Il faudrait vraiment que les tutelles françaises s’y intéressent.

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Propos recueillis par Adrien Renaud

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