Chirurgie : chronique d'un massacre annoncé

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La robotique chirurgicale n’en est qu’à ses balbutiements. Le développement exponentiel de l’intelligence artificielle va prochainement la transformer en véritable tsunami technologique. Les jeunes chirurgiens feraient mieux d’accrocher leur ceinture.

Chirurgie : chronique d'un massacre annoncé

Dès les années 1990, le Pr Guy Vallancien prophétisait l’émergence d’une médecine hyper-technologique où la robotique chirurgicale bouleverserait le rôle des médecins. Cette prévision semblait folle. Mais en 20 ans, la puissance des serveurs informatiques a été multipliée par 1 million. Au moment où la loi de Moore ralentit, une nouvelle tendance exponentielle apparaît, cette fois-ci dans l’univers de l’apprentissage automatique.

Elle est explosive : il est plus facile d’avoir une progression exponentielle avec du logiciel qu’avec des processeurs. Intel ne peut pas réinventer le design d’un microprocesseur tous les matins. En revanche, un programme d’intelligence artificielle peut s’améliorer en continu.

La complexité de l’acte chirurgical semblait exclure que le chirurgien puisse un jour être défié par des machines. Les premiers robots chirurgicaux ne sont pas encore autonomes et restent sous le contrôle du chirurgien. Ils entraînent des surcoûts d’environ 20 % et augmentent certaines complications.

La capacité des machines intelligentes explose

Mais les choses vont changer. L’intelligence artificielle, la robotique et la réalité augmentée progressent désormais si vite que les prochaines générations de robots chirurgicaux vont dépasser, puis remplacer les chirurgiens.

La robotique, après avoir longtemps été un thème de mauvaise science-fiction, va changer notre monde en quelques décennies, et pas seulement la chirurgie. Il est probable que le patient de 2035 refusera de se faire opérer par un humain, tout comme aucun d’entre nous n’entrerait aujourd’hui dans un avion dont l’ordinateur de bord aurait été débranché.

Avis aux jeunes médecins

La robotisation de l’acte opératoire sera complète dans 20 ans. C’est beaucoup pour un industriel, c’est peu pour les actuels internes en chirurgie, qui seront alors en milieu de carrière. Il faut d’urgence repenser le cursus des chirurgiens et préparer leur reconversion future.

La mort des chirurgiens pourrait en effet n’être que leur métamorphose. Mais pour cela, les organisations professionnelles et le mandarinat doivent faire un peu de prospective au lieu d’ignorer le tsunami technologique. Il faudra que les chirurgiens cessent d’être des individus isolés s’ils veulent résister aux géants du numérique qui vont devenir les vrais maîtres de la chirurgie.

 Afin de créer une plateforme d’automatisation de l’acte chirurgical, Google a créé Verb Surgical avec Johnson & Johnson. Et Facebook, qui est un leader de la réalité virtuelle, pourrait devenir un acteur du monde de la chirurgie. Face à la Silicon Valley, il y a de belles carrières pour les chirurgiens qui poseront rapidement le bistouri pour se concentrer sur la robotique et l’intelligence artificielle.
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*Chirurgien urologue et énarque, le Dr Laurent Alexandre dirige DNA Vision, entreprise belge spécialisée dans la génétique. Au fil de ses ouvrages et de ses interventions médiatiques, il analyse le futur de la médecine sous tous les angles.
Twitter : @dr_l_alexandre - laurent.alexandre@dnavision.be

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