« La mort de la médecine libérale. » Voilà, d’après la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), l’avenir que réserverait aux Français le scénario d’une « Grande Sécu » supportant, en plus des dépenses actuellement assumées par l’Assurance maladie, celles que remboursent les complémentaires. Cette hypothèse, étudiée avec trois autres par le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (Hcaam) dans un rapport paru la semaine dernière et dont les grandes lignes avaient fuité dans la presse en novembre, a été détaillée ce lundi lors d’une visioconférence par le vice-président de l’institution, Pierre-Jean Lancry, devant les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Et le moins que l’on puisse dire est que celui-ci n’a rien dit pour rassurer les syndicats de libéraux : après l’articulation sécu-mutuelle, il a annoncé que le Hcaam entendait s’attaquer aux dépassements d’honoraires.
Or la question des dépassements d’honoraires est justement celle qui inquiète les représentants des médecins dans le scénario de la « grande Sécu ». La CSMF estime que celui-ci favoriserait « une médecine à deux vitesses » : si les Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM) prennent en charge l’ensemble des dépenses de santé, cela ne pourrait se faire qu’au tarif opposable, et les seules personnes pouvant accéder aux soins de pointe dans un tel système deviendraient selon le syndicat celles qui ont les moyens de se payer une assurance supplémentaire prenant en charge les dépassements.
Haro sur les dépassements
« Ce système à deux vitesses existe déjà, a reconnu tout de go Pierre-Jean Lancry lors de la visioconférence. Ceux qui ont une complémentaire qui prend mieux en charge les dépassements sont déjà mieux couverts. » La Grande Sécu n’est donc selon lui pas destinée à régler ce problème, mais plutôt à améliorer l’efficience des remboursements (chaque acte étant actuellement remboursé à la fois par une CPAM et par une complémentaire, les coûts de gestion du système sont inutilement élevés), et à répondre aux besoins des 4 % de la population qui ne disposent pas de complémentaire, ou à ceux des retraités pour lesquels la complémentaire est une dépense extrêmement lourde.
Est-ce à dire que le Hcaam ne compte pas s’attaquer aux dépassements ? Point du tout ! « Le problème des dépassements n’est réglé par aucun des scénarios présentés dans le rapport, d’où la nécessité de se pencher sur cette question », a déclaré Pierre-Jean Lancry, précisant que les dépassements d’honoraires figuraient à son programme de travail pour 2022. À la grande Sécu englobant les complémentaires pourrait donc s’ajouter une très grande Sécu phagocytant les dépassements. La CSMF n’a pas fini de crier à la mort de la médecine libérale.