Témoignage : je fais de la politique et ca a changé mon exercice médical

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Avoir un engagement politique en tant que médecin, qu’est-ce que cela change ? Focus sur deux médecins aux fonctions et actions politiques très différentes, tout autant que leur exercice médical.

Témoignage : je fais de la politique et ca a changé mon exercice médical

Philippe Cathala, 40 ans, PH, légiste dans le service de médecine légale du CHU de Montpellier, adjoint au maire « Les Républicains » d’Aigues-Mortes (Gard).

WUD. Qu’est-ce qui t’a conduit à entrer en politique ?

Philippe Cathala. L’intérêt purement intellectuel pour le débat politique de mon pays. Je suis entré chez les jeunes RPR à 18 ans. Ce sont mes débuts en tant que militant-adhérent à un parti politique. Plus tard, dans la vie politique effective au niveau local, lors des élections municipales de 2002, le maire d’Aigues-Mortes est venu me demander d’être sur sa liste, parce que j’étais jeune et que je pouvais correspondre aux besoins de l’époque. Je n’étais alors que conseiller municipal. Et petit à petit, l’engagement local m’a fait gravir les échelons. Je suis maintenant adjoint à la mairie, officiellement en charge des partenariats et de la communication institutionnelle. En pratique, je m’occupe plutôt de thématiques de santé.

WUD. Quel est ton premier souvenir en politique ?

PC. Le vrai souvenir marquant, ça a été la première victoire électorale à la mairie évidemment, et la victoire de Jacques Chirac aux élections présidentielles.

WUD. Comment la médecine influe-t-elle sur ta façon de faire de la politique ?

PC . Via la préoccupation pour le sort d’autrui.  Il y a quelque chose de commun entre l’engagement médical et l’engagement syndical, associatif ou politique. J’ai d’ailleurs connu un peu tous ces engagements-là ! L’exercice de la médecine influe aussi sur mon champ d’activité politique à Aigues-Mortes en matière de santé. Mon dernier projet en date était d’augmenter le taux de maîtrise des gestes de premier secours dans la population. La mairie offre les sept heures de formation diplômante PSC1 à tous les administrés qui le souhaitent. Je m’engage là-dedans, et sur d’autres thématiques de prévention.

WUD. La politique influe-t-elle sur ta pratique de la médecine ?

PC . Non, je segmente assez bien les deux champs d’activité. La médecine légale correspond à un exercice particulier, singulier, sur lequel je ne perçois pas d’incidence.

WUD. Comment tes collègues, tes patients te parlent-ils de tes activités politiques ?

PC. Mes patients n’en savent rien la plupart du temps. De la part de mes collègues, ce ne sont pas forcément des remarques très sympathiques. Il s’agit souvent de celles qu’on peut entendre dans la population générale vis-à-vis des élus, exprimées avec une confraternité ironique. Cependant la fonction d’élu local appelle moins de connotations politiques, et j’ai finalement peu de remarques, tant des patients que des collègues.

WUD. Comment gères-tu ton emploi du temps entre médecine et politique ?

PC. J’arrive à juguler, mais plutôt par des concessions sur mes soirées, voire mes nuits, mes vacances et mes loisirs. Le reste de mon activité quotidienne n’est pas impacté par mes délégations car je peux organiser mon emploi du temps comme je veux pour la mairie. Je profite de mon statut de praticien avec ses repos de garde et ses congés, même si je n’ai jamais prétendu accéder aux jours de congé autorisés au titre des fonctions électives.

Olivier Véran, 36 ans, PH, neurologue dans le service  du CHU de Grenoble, conseiller régional « Parti socialiste » en  Auvergne-Rhône-Alpes et ancien député.

WUD. Comment t’es-tu retrouvé en politique ?

Olivier Véran. Quand j’ai eu fini médecine, j’ai fait un master de politique de la santé à Sciences-Po Paris. J’avais monté en parallèle un hôpital de jour au CHU de Grenoble, et la députée de ma circonscription, Geneviève Fioraso, en campagne pour sa réélection, est venue visiter l’hôpital et mon service. Je l’ai interpelée pour parler des réformes à faire en politique de santé. Nous nous sommes revus et elle m’a très vite proposé d’être son suppléant. Un mois plus tard, j’étais député parce qu’elle est devenue ministre elle-même. Tout a été très rapide !

WUD. Quelle a été ta première action en politique ?

OV. C’est avec l’Isnih et la grève des internes pour défendre la liberté d’installation, et surtout l’idée que les solutions aux déserts médicaux ne sont pas des solutions simplistes. J’avais à l’époque rencontré ma députée pour la première fois. Plus tard, arrivé au Parlement, j’ai continué de défendre cette idée.

WUD. Dirais-tu que ton expérience de médecin impacte ton travail politique ?

OV. On peut dire que je suis passionné de politique de la santé. J’ai rédigé plusieurs rapports : sur l’intérim à l’hôpital avec les médecins mercenaires, sur le don du sang, sur un projet de loi qui transpose le droit européen dans le droit français en matière de santé. Je me suis retrouvé rapporteur des budgets d’Assurance maladie et de la loi Santé sur tout le versant prévention, mais aussi de la partie « études de santé » de la loi « Enseignement et Recherche » dans le cadre de la réforme des études de santé. Mon expérience m’a donc beaucoup servi et guidé dans mon parcours politique !

WUD. Ton expérience politique modifie-t-elle ton exercice médical ?

OV. Je fais plus attention aux médicaments prescrits quand je sais quel est le comportement de certains labos. Je fais plus attention à la démocratie sanitaire, c’est-à-dire à la place de l’usager dans le système de soins. Dans la relation à la fin de vie aussi : on prend parfois des décisions qui vont dans le sens de soigner coûte que coûte, y compris quand cela ne correspond pas à la volonté exprimée directement ou indirectement par nos patients. Je suis plus à l’écoute, et dans un sens la modification de la loi sur la fin de vie me va très bien : on n’est pas les seuls à savoir.

WUD. Tes activités politiques amènent-elles des confrères ou des patients à faire des commentaires ?

OV. Disposer d’un bon réseau « santé » est plutôt perçu comme un atout par la plupart de mes confrères, qui savent pouvoir me contacter facilement, s’ils ont des questions, remarques, critiques parfois. Cet ancrage sur le terrain, et à l’hôpital en particulier, je le considère comme un atout sur la forme et sur le fond. Avec les patients par contre, je suis un peu gêné quand en fin de consult’, ils me disent qu’ils m’ont vu à la télé ou dans le journal. Je coupe toujours quand ils parlent politique, je clive vraiment.

WUD. Comment jongles-tu entre ton planning de médecin et tes obligations politiques ?

OV. Je suis PH, et en même temps j’ai une mission qui m’a été confiée par la ministre sur le mode de financement des hôpitaux. J’ai régulièrement des réunions à Paris, voire en province. Quand je me déplace, je suis en « off », mais le reste du temps, je suis à l’hôpital à temps plein. Quand je siège à la région je pose une RTT, ce qui me permet d’aménager mon temps. Donc je pose très peu de vraies vacances… Et tous les week-ends, je suis sur le terrain, même en lendemain de garde. Il faut jongler, c’est la dictature de l’agenda !

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