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« N'est-il pas contradictoire de vouloir soigner une souffrance psychique tout en laissant à disposition l'instrument qui la nourrit ? », questionne le rapport de la commission, publié jeudi, qui préconise notamment l'interdiction des réseaux aux moins de 15 ans.
Durant plusieurs mois d'auditions, des professionnels de santé ont témoigné à l'Assemblée nationale du rôle de TikTok – et des réseaux sociaux en général – dans le déclenchement ou l'aggravation des problèmes de santé mentale chez les jeunes.
Injonctions à réduire son alimentation, incitations au suicide, exemples d'automutilations : le rapport dénonce globalement « des risques graves, documentés et persistants, pesant sur la santé mentale des enfants du fait de l'usage de TikTok ».
La plateforme a « catégoriquement » rejeté « la présentation trompeuse » faite par ce rapport, assurant mener « depuis longtemps une politique exigeante en matière de sécurité et de protection de ses utilisateurs », notamment les adolescents.
Concernant l'usage des écrans à l'hôpital, « la règle n’est pas l'interdiction systématique du smartphone, y compris pour les mineurs souffrant de troubles psychiques en lien avec l'usage des réseaux sociaux, mais bien l'inverse », pointe le rapport.
Arnaud Ducoin, père de Pénélope qui s'est suicidée en 2024 et consultait régulièrement des vidéos « de scarification, d'anorexie ou suicide » sur TikTok, s'est ainsi ému devant les députés que sa fille ait pu continuer d'utiliser son téléphone durant son hospitalisation.
Des règles qui changent selon l'hôpital
Dans les faits, « il y a autant de règles qu'il y a de services », explique à l'AFP la psychiatre Nathalie Godart, cheffe du pôle hospitalo-universitaire de santé des adolescents de la Fondation Santé des Étudiants de France.
Dans la partie hôpital de jour, les « mêmes règles qu'à l'école » s'appliquent : les 12 ans et plus souffrant de troubles psychiques déposent leur téléphone le matin, le récupèrent pendant une courte pause à la mi-journée, puis s'en séparent à nouveau jusqu'à leur sortie.
« À une période, on le leur laissait en leur demandant de respecter certaines règles, mais ils n'arrivaient pas à ne pas le prendre », ce qui a eu des répercussions sur les liens « avec les soignants et les autres patients ».
La privation de téléphone n'est pas pleinement acceptée par les patients, alimentant des « discussions permanentes ».
Autre option : le rapport cite l'exemple d'une soignante qui a décidé d'interdire complètement l'usage des écrans dans le service psychiatrie pour enfants de l'hôpital parisien Robert Debré AP-HP.
Malgré les réticences des professionnels, les jeunes ont « immédiatement compris la nécessité de se séparer de ces outils (...) tout sauf réconfortants », a affirmé à la commission Sarah Sauneron, directrice générale par intérim à la Direction générale de la santé.
L'interdiction est la « la pire des choses » pour les ados
Cependant, pour Amine Benyamina, chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse AP-HP, l'interdiction est « la pire des choses pour un adolescent ».
Dans son service, les jeunes gardent leur téléphone mais avec un usage limité pour « respecter la convivialité et les soins », explique le co-président de la commission « Enfants et écrans ».
Règles similaires dans le service nutrition du CHU de Rouen, qui accueille des adultes et adolescents de plus de 16 ans souffrant de troubles des conduites alimentaires (TCA).
« De temps en temps, on voit des dérives, avec des patients qui publient sur les réseaux ce qu'il se passe dans l'hôpital », raconte le médecin Pierre Déchelotte. S'il fait alors « un petit rappel à l'ordre », il est défavorable à une interdiction pouvant pousser « à des comportements de dissimulation qui gâchent le climat de confiance ».
Le rapport, adopté à l'unanimité, recommande l'élaboration d'un cadre national clair régissant l'usage des écrans par les mineurs hospitalisés.
L'objectif est de « mettre fin à des situations paradoxales dans lesquelles des outils nocifs restent, sans supervision, entre les mains de jeunes patients en grande vulnérabilité ».
Mais « la pédagogie », rappelle le Pr Benyamina, « c'est d'expliquer, pas d'interdire ».
Avec AFP
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