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« Nous venons tous du même endroit », explique Ilham Mohamed, une pharmacienne déplacée de la grande ville d’El-Facher au Darfour, dans l’ouest du pays. « Nous les comprenons et ils nous comprennent ».
Le camp, financé par un homme d’affaires soudanais, s’étend sur 14 hectares dans une zone agricole à proximité du Nil, contrôlée par l’armée.
Des centaines de familles sont hébergées dans des tentes dotées de lits, certains dorment sur des nattes en plastique déployées au sol.
Cinq cliniques rudimentaires, de simples tentes bleues transformées en pharmacie, laboratoire, salles d’hospitalisation ou unités de soins de courte durée, accueillent les patients. Des chaises en plastique remplacent le mobilier absent. Des ambulances envoyées de la ville d'Al-Dabbah, à 20 km au nord, font office de cliniques mobiles.
La plupart des déplacés souffrent d’infections pulmonaires et intestinales, de diarrhées, de maladies de peau et oculaires, selon Ahmed Al-Tijani, volontaire auprès de la clinique mobile de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
« Nous faisons tout pour répondre aux besoins médicaux, mais les ressources sont insuffisantes » et certains patients « exigent des soins spécialisés » inexistants dans le camp, déplore-t-il.
Fuir, survivre, soigner
Plus de 150 femmes enceintes ou allaitantes ont aussi été accueillies, rapporte la volontaire Fatima Abdelrahman, responsable sur place de la santé reproductive. Plusieurs d’entre elles avaient dû donner naissance sur la route de l’exil, « après des jours de marche ».
Après 18 mois de siège, El-Facher a été prise fin octobre par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), provoquant la fuite de plus de 100 000 personnes.
Parmi eux, la Dr Ikhlass Abdallah et une soixantaine de soignants ont trouvé refuge au camp d’Al-Dabbah, avec des centaines de familles jetées sur les routes par les combats meurtriers entre l’armée et les FSR.
« Nous ne sommes pas en bon état, mais nous sommes obligés de l’être (...) pour fournir des soins à ceux qui en ont besoin », explique Ikhlass Abdallah.
Sur la route, « il fallait soigner les gens en secret » et parfois laisser les blessés sans bandages « car si les FSR découvraient que quelqu’un avait reçu des soins, ils le frappaient à nouveau », dit-elle.
Être identifié comme médecin signifiait « soit la mort, la captivité ou la rançon », affirme-t-elle, en précisant que les rançons exigées par les paramilitaires étaient plus importantes pour les soignants.
Selon un bilan publié par l’OMS fin octobre, plus de 1 200 soignants ont été tués dans 285 « attaques effroyables » visant des établissements médicaux depuis le début de la guerre, en avril 2023.
Tous les hôpitaux détruits
Épuisée par des « heures d’affilée dans les blocs opératoires », Ikhlass Abdallah a travaillé jusqu’au bout à la maternité de l’hôpital saoudien, dernier établissement fonctionnel d’El-Facher. Elle évoque les attaques meurtrières répétées des FSR sur l’hôpital.
Une nuit, « nous avons entendu un drone, puis il est tombé sur l’hôpital », se souvient la médecin. « Nous avons accouru (...) mais il n’y avait plus personne à secourir ».
« De nombreux corps étaient méconnaissables. Les gens étaient déchiquetés, réduits en morceaux (...) Ce que nous avons vu semblait irréel, un cauchemar sorti d’un film ».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé fin octobre quatre attaques en un mois sur cette maternité, affirmant que plus de 460 patients et des soignants y avaient été abattus.
Et selon Ikhlass Abdallah, « la situation sur la route était pire qu’à El-Facher ». La guerre, qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de civils, a entraîné l’effondrement du système de santé.
Avec AFP
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