"Nous n’avons jamais connu une telle explosion du nombre d’appels au 15"

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A l’appel de l’UNARM (Union Nationale des Assistants de Régulation Médicale), c’est aujourd’hui la journée de grève nationale des assistants de régulation médicale (ARM) des SAMU-Centre15. Ceux-ci réclament plus de personnel pour faire face à une augmentation importante du nombre d’appels au 15 ces dernières années. En raison du manque d’effectifs, « les risques professionnels augmentent et la surcharge de travail épuise les équipes », constate l'Unarm. Le syndicat demande donc le renforcement des équipes ARM. Tous les contractuels doivent être titularisés ou pouvoir accéder à la catégorie B. Une campagne de recrutement conséquente doit être lancée, afin d’anticiper la période de formation et d’intégration de ces renforts en personnel, selon l’UNARM. Nous avons posé quelques questions à Marie Rofidal, assistante de régulation médicale au Samu38 qui fait partie du Pôle urgences et médecine aiguë (Puma) du Centre Hospitalier Universitaire Grenoble Alpes (Chuga). Le Samu38 sera en grève aujourd’hui de 00h à 00h et exige 7 postes supplémentaires « au plus tôt ».
 

"Nous n’avons jamais connu une telle explosion du nombre d’appels au 15"

WUD. Pour quelles raisons faites-vous grève ?

Marie Rofidal. Nous sommes confrontés à une augmentation très forte de l’activité, mais les recrutements ne suivent pas. Nous n’avons jamais connu une telle explosion du nombre d’appels au 15. On parle de 18 à 20 % d’augmentation par an depuis deux ans, alors qu’auparavant, c’était plutôt de l’ordre de 2 à 3 % par an. Nous ne sommes pas assez nombreux pour faire correctement notre travail. Le métier de la régulation se base sur le référentiel de Samu-Urgences de France de 2015 qui a émis des normes sur le taux de décrochés (pourcentage d’appels que l’on arrive à décrocher en moins d’une minute) ou le nombre d’agents en fonction du nombre d’appels. Selon les normes nationales, le taux de décrochés devrait avoisiner 98 à 99 %, mais on a tous des problèmes pour tenir ce chiffre. Au Samu38, hier matin, on est passés à 88 % à un moment de la journée. Il arrive parfois que l’on passe à un taux de décrochés de 60 %.  Nous sommes trop occupés pour pouvoir décrocher, donc il nous faut plus de gens pour pouvoir décrocher les appels. Or, tous les appels comptent, même si on ne traite pas toujours des urgences vitales. Quand on compose le 15, on ne peut pas savoir s’il s’agit d’une urgence vitale ou pas, donc on ne peut pas laisser attendre un appel. C’est tout le paradoxe de notre activité : notre job, c’est de décrocher au plus vite pour savoir si c’est urgent ou pas. Or, si je suis indisponible en permanence, c’est mission impossible.
 

"C’est une surcharge d’appels pour les médecins qui ne sont pas forcément bien orientés"

WUD. Quelle est l’impact sur le travail des médecins de cette hausse d’activité ?

MR. Quand les ARM sont sur-occupés, quand ils sont tout le temps en ligne, ils ne peuvent pas travailler en bonne coopération avec leurs médecins régulateurs, ils ne peuvent recevoir des bilans dans des délais raisonnables… Donc, tout le monde attend à toutes les échelles. Quand les médecins ont besoin de nous, il arrive très fréquemment qu’ils ne puissent pas nous parler, car on est en ligne. Pour les médecins Smur, c’est parfois « galère » de joindre le 15. Ils sont sur le terrain et doivent attendre pour pouvoir parler au 15. La surcharge d’activité veut aussi dire que c’est devenu difficile d’être formé correctement, donc c’est aussi parfois une surcharge d’appels pour les médecins qui ne sont pas forcément bien orientés. Il faut comprendre que la coopération entre les ARM et les médecins, c’est quelque chose de tous les instants. Le médecin, c’est celui qui décide, il parle en permanence à tous ARM pour leur donner des directives, et les ARM lui retransmettent des informations. Donc, nous avons besoin de communiquer ensemble en permanence. Or, quand on ne peut plus se parler car on est tous en permanence en ligne, cela devient très compliqué.
 

"Cela fait des mois et des mois que l’on fait des heures supplémentaires à gogo"

WUD. Quelles sont les conséquences pour les patients ?

MR. Ils ont du mal à nous joindre. Une situation de stress, de tension et de fatigue est en train de s’installer du côté des ARM. Aujourd’hui, au Samu38, la direction ne recrute pas malgré la suractivité, mais il faut quand même répondre au 15. En général, on a de grosses périodes de suractivité en hiver, donc on fait des semaines entières avec un à trois agents en heures supplémentaires. Aujourd’hui, on se retrouve « hors-hiver » avec tellement d’activité qu’il faut combler des plages comme si on était en période d’épidémie de grippe… Cela fait des mois et des mois que l’on fait des heures supplémentaires à gogo, que l’on n’arrête pas… Et on a du mal à récupérer ces heures supplémentaires. On fait notre maximum pour que cela ne se ressente pas du côté des patients, mais, concrètement, cela se ressent…. Donc, on fait grève pour réagir avant que cela soit la catastrophe, car on prend vraiment trop de retard dans les recrutements.
 

WUD. Soutenez-vous la grève actuelle des urgences ?

MR. Bien sûr qu’on soutient la grève des urgences. L’explosion de l’activité des urgences en général (Samu, Smur, urgences…) conduit à des problématiques similaires. On ne peut pas dire qu’on a exactement la même problématique, parce que nous ne recevons pas les patients, parce que nous n’avons pas de patients dans les couloirs… Mais on a quand même une problématique commune. Si le problème des urgences était réglé, cela ne pourrait qu’être une bonne chose pour nous. Et inversement. Tous les problèmes des urgences sont répercutés d’une façon ou d’une autre sur les Samu. Donc quand ils sont en galère, cela se ressent à tous les niveaux de la chaîne.
 

Au fait, à quoi servent les assistants de régulation médicale ? 

"Nous sommes les partenaires des médecins régulateurs du SAMU, explique Marie Rofidal. On a plusieurs fonctions. La première de nos fonctions, c’est de décrocher le 15, de localiser l’appelant, de déterminer la situation et la gravité du cas. On fait le tri de l’urgence de l’appel et on le fait réguler par le médecin. On envoie aussi les secours, on reçoit les bilans, et nous sommes aussi les assistants du médecin sur le terrain en cas d’événement exceptionnel, ce qui est souvent oublié."

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