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Un médecin forcé de se déshabiller sous la menace du fouet d’une panthère noire qui lui intime l’ordre de prescrire Zypadhera®, un traitement contre la schizophrénie issu des laboratoires Eli Lilly… Cauchemar SM d’un psychiatre dépressif ? Non ! Il s’agit d’une vidéo bien réelle, pastiche d’une pub pour soda qui avait à sa sortie défrayé la chronique. À usage interne, elle a été réalisée en 2011 par… le fabricant du Zypadhera® lui-même. Ce film, destiné à remonter le moral des commerciaux du laboratoire américain, avait à l’époque fuité, alimentant la machine à fantasmes qui tourne autour des relations entre médecins et industrie pharmaceutique. À en croire certains, le grand public aurait en effet de sérieuses raisons de douter du caractère sain des rapports labos-médecins. Les récents scandales et autres déballages médiatiques ne sont pas étrangers à cette défiance. « Manipuler des médecins, il n’y a rien de plus simple », écrivait l’année dernière Bernard Dalbergue, médecin et ex-cadre de l’industrie pharmaceutique, dans un livre-témoignage en forme de réquisitoire*. « Ce sont des mômes et nous sommes des dealers de bonbons » ajoutait-il, volontiers provocateur.
ET POUR VOUS, CE SERA RESTO, VOYAGE EN CHINE OU VOITURE DE SPORT ?
Il faut dire que des histoires de médecins dont les prescriptions sont influencées par les labos, tout le monde en connaît. Cela commence par la visite médicale. Lilian** est aujourd’hui médecin généraliste, et son estomac garde un souvenir ému de son stage d’interne en endocrino, en 2005 : « Entre les insulines, les statines, les lecteurs glycémiques, les antidiabétiques oraux, c'était le défilé : 3 fois par semaine au resto ! ». Et puis il y a eu les fameux voyages « all inclusive ». Lors du lancement d’un nouveau produit, les laboratoires n’hésitaient pas à organiser les présentations dans les endroits les plus reculés. « Dans les années 80, tous les généralistes et tous les rhumatos sont allés en Chine », se souvient Michèle**, une ancienne responsable marketing dans l’industrie. Pourquoi cette soudaine soif de découvrir l’Extrême-Orient ? « Un gros labo lançait un nouvel anti-inflammatoire », explique Michèle. Mais les médecins prescripteurs ne sont pas les seuls à avoir bénéficié des largesses de l’industrie. Alain**, passé par les laboratoires Servier, se souvient que certains experts ne se déplaçaient pour donner des avis que si on leur louait… une voiture de sport.
FANTASMES, DÉRIVES DU PASSÉ ? ŒUVRONS POUR QUE CE SOIT LE CAS !
Mais alors, tout cela appartient-il vraiment au passé ? À en croire les labos, oui. Depuis la loi Bertrand qui oblige les industriels à déclarer tous les versements supérieurs à 10 € qu’ils effectuent au profit des médecins, rien ne serait plus pareil. « Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile d’inviter les médecins, y compris pour des voyages scientifiques », témoigne Mazen Elzaabi, directeur des affaires publiques chez LFB Biomédicaments, une entreprise française spécialisée dans les médicaments issus du vivant. Hervé, jeune interniste dans un CHU de l'est de la France témoigne. « On nous parle souvent d'une époque toute "bénie" où les invitations de médecins pleuvaient de toute part, offertes par l'industrie. Je ne sais pas si je ne suis pas au bon endroit, ou si je ne fais pas la bonne spécialité, mais moi, depuis 2006 que j'exerce d'abord comme interne, puis ensuite comme praticien, je n'ai jamais eu de telles sollicitations. J'ai l'impression parfois qu'on me parle d'un monde imaginaire ».
* Bernard Dalbergue, Omerta dans les labos pharmaceutiques, Flammarion, 2014.
** Le prénom a été changé