Laigneville : le maire interdit de trépasser à domicile

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Coup de com' sur les déserts médicaux

Laigneville : le maire interdit de trépasser à domicile

A Laigneville dans l'Oise, un arrêté du maire interdit aux habitants de décéder à domicile. Ce coup de com' provocateur vise à alerter sur le manque de médecins. En 2015, le CNOM a recensé 192 déserts médicaux de ce type. 

Petite commune de l’Oise, Laigneville compte à peine 4 251 habitants. Des villageois paisibles et loin des caméras. Jusqu’à un événement récent. Christophe Dietrich, le maire de Laigneville, est en effet sous le feu des projecteurs depuis quelques jours.

La raison, un arrêté pour le moins original qu’il a publié mercredi dernier. Le texte stipule une injonction inédite à ses administrés : les Laignevilllois n’ont plus le droit de mourir à domicile. En tout cas sur le territoire de sa commune située à 49 km au nord de Paris

Comme autres options, ceux qui trépassent ont toujours le choix entre la voie publique ou les terrasses de café. Intrigué par cette histoire, What’s up Doc a contacté Christophe Dietrich. L’homme n’est en fait qu'un édile frappé de plein fouet par la désertification médicale.

What's up Doc. Quelles sont les raisons de cet arrêté ?

Christophe Dietrich. Le but c’est de dire je prends un arrêté stupide mais concret. En échange, j’attends des réponses intelligentes mais tout aussi concrètes. Pour comprendre, en trois semaines, nous avons été par deux fois dans l’incapacité totale d’avoir un médecin pour faire simplement constater un décès. On a passé des demi-journées entières à chercher quelqu’un (SOS Médecins, SAMU, etc.) pour faire cela. Avec 30 degrés à l’intérieur de certaines maisons, j’ai vu des corps en train de se décomposer. Je rappelle qu’en tant que maire, je suis responsable de la salubrité publique et de la lutte contre les épidémies.

WUD. Pourquoi les médecins ne se déplacent plus ?

CD. Parfois ces évènement se sont tout simplement passés un mercredi, un jour où les médecins ne travaillent pas dans la commune. Mais surtout, les constations de décès n’étaient pas payées jusqu’à présent, donc des praticiens ne voulaient plus se déplacer. Autant être honnête, entre une journée de consultations au cabinet et une visite à domicile pour faire ce acte bénévolement le choix de nombreux médecins est vite fait.

WUD. Mais le problème est bien plus profond il me semble ?

CD. Oui, ce qui se passe pour les défunts à Laigneville préfigure de ce qu’il va se passer bientôt pour les vivants. J’alerte, dans six mois, les deux médecins de la commune partent à la retraite. Nous sommes déjà un vrai désert médical et la crise sanitaire est sans précédent au niveau local. Après-guerre, il y avait des dispensaires sur lesquels on ne peut même plus s’appuyer aujourd’hui. A l'heure actuelle, mes administrés n’ont parfois pas d’autres solutions que de se rendre aux Urgences de Creil, où vous rentrez à 8 heures le matin pour sortir à minuit le soir.

WUD. Que faites-vous pour recruter des praticiens ?

CD. Mon arrêté est tout à fait valable donc il ne faut pas le prendre à la légère. Mais pour recruter des médecins sur Laigneville, la commune est prête à faire beaucoup d'efforts : elle propose une prise en charge du cabinet médical et de son secrétariat. Ce n’est pas rien. De plus, l’environnement médical est au top ici. Nous avons deux hôpitaux à moins de 10 km, 5 infirmières, des ostéopathes, des podologues, etc.
Si rien ne bouge, et qu’on a un décès qui est lié au manque de médecins, je déposerai plainte contre l’Etat. Heureusement, nous n’en sommes pas encore là. Comme solutions, je plaide pour la mise en place de numerus clausus locaux. Enfin, il faudrait mettre en place des quotas de médecins  par nombre d’habitants comme cela se fait déjà pour les pharmaciens. 

 

 

 

 

Source:

Bruno Martrette-Gomez

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