La médecine est-elle allée trop loin ?

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Les ambiguités du progrès"

La médecine est-elle allée trop loin ?

Ce mardi avait lieu la troisième saison des conversations éthiques consacrées au progrès scientifique. La médecine n’a pas été oubliée.

« Les ambiguïtés du progrès de la médecine ». Un vaste sujet traité ce mardi par Patrick Gaudray, généticien et directeur de recherche au CNRS, lors des conversations éthiques qui se sont tenues à l’Auditorium Biopark dans le 13ème arrondissement de Paris. L’objectif de la séance ? Aborder les origines, les liens et les conséquences du progrès scientifique sur la médecine.

Tout commence avec Aristote. « Avec lui, c’est le premier statut scientifique de la médecine qui se met en place », explique Patrick Gaudray. « La science a radicalement transformé la médecine en lui faisant dépasser son statut d’art médical. De nos jours, elle est fondée sur les preuves scientifiques. » Selon lui, cette transformation est visible par les nombreux progrès médicaux et chirurgicaux auxquels nous devons une vie meilleure. « Nous vivons trois fois plus longtemps aujourd’hui qu’au 18ème siècle », rappelle le généticien.


Une santé, des définitions

Au final, cette médecine fondée sur la science et les innovations technologiques aurait contribué à une « médicalisation de la société ». « La santé est devenue un droit internationalement reconnu dans l’esprit de chacun », note Patrick Gaudray. « Au point même d’être devenue un devoir. On ne manque pas de nous rappeler notre responsabilité vis-à-vis de notre santé. » Dès lors, un premier paradoxe se dessine : en France, seulement 2,5 % des dépenses de santé concerneraient la prévention.

Mais la santé reste également un objet social difficile à définir. En 1946, l'OMS en donnait la définition suivante : « un état de complet bien-être physique, mental et social », et qui « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». « La santé n’est plus un état mais un idéal vers lequel on doit tendre », analyse le généticien. Conséquence : un flou croissant entre les interventions de la médecine au profit du malade et celle qui répondent à des demandes plus sociétales que médicales.

Halte au tout génétique ! 

Pour finir, l’intervenant s’est interrogé sur l’invasion de la génétique dans la pratique médicale. Et il rappelle qu’entre 2003 et 2013, le coût et le temps d’un séquençage d’ADN ont été divisés par trois millions. « Les progrès de la génomique contribuent à façonner la médecine en affinant certaines orientations thérapeutiques », affirme Patrick Gaudray. « Il s’agit d’une réalité encore limitée mais qui apporte beaucoup d’espoir et de crainte. »

Néanmoins, le généticien est prudent. « Etablir un lien direct entre génome et individu peut laisser penser que nous serions uniquement déterminés par notre ADN. » L’intervenant redoute l’avènement d’une médecine personnalisée. « Comme si de toute éternité, la médecine ne s’intéressait pas aux personnes. » Que faire alors ? « La responsabilité des médecins et des scientifiques est de faire en sorte que la médecine de précision soit un projet de société plutôt qu’une forme d’élitisme », conclut Patrick Gaudray. 

 

Source:

Im`ene Hamchiche

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