Joël de Rosnay : « Le médecin-grand-prêtre qui délivre l’ordonnance, c’est fini »

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Joël de Rosnay : « Le médecin-grand-prêtre qui délivre l’ordonnance, c’est fini »

Lors de la conférence CHAM 2015 qui se tient aujourd’hui et demain à Chamonix, au cours d’une table ronde sur les objets connectés, le scientifique Joël de Rosnay a parlé des médecins de demain comme des « conseillers de santé ». Il explique à « What’s Up Doc » ce qu’il entendait par là.

What’s Up Doc : Vous avez parlé du médecin de demain comme d’un « conseiller de santé ». Qu’est-ce que cela signifie précisément ?

Joël de Rosnay : Traditionnellement, le médecin est un prescripteur. Il établit un diagnostic, à partir duquel il fait une ordonnance. Le patient va à la pharmacie acheter ses médicaments puis s’en va dans la nature. Il n’est pas suivi, on ne sait pas s’il prend ou ne prend pas ses médicaments. Mais maintenant, le patient vit dans un véritable écosystème numérique, et est muni d’objets dits connectés qui sont de réelles extensions de son corps. Le médecin a donc aujourd’hui les moyens de faire de la prévention quantifiable. Et la prévention quantifiable ne suffit pas : le patient a besoin d’être conseillé. C’est pour cela que je dis qu’en dialoguant avec son patient, le médecin va de plus en plus devenir un conseiller de vie.

WUD : Cette transformation est-elle due à la révolution numérique, ou au fait que les gens ont de plus en plus besoin d’avoir le contrôle sur leur propre vie ?

JdR : Les deux facteurs jouent. Il y a d’une part l’écosystème numérique, et d’autre part ce que j’appelle les « patients augmentés ». Ce sont des patients qui ne se contentent plus de recevoir une ordonnance et d’aller acheter des médicaments, mais qui comprennent qu’ils peuvent faire quelque chose pour eux-mêmes.

WUD : Pensez-vous que la profession médicale est à l’heure actuelle prête pour ce changement ?

JdR : Non. Elle n’est pas prête parce que le médecin est formé à la médecine curative. Celle-ci laisse, pour le moment, encore trop de côté la vision préventive. D’autant plus que le médecin détient avec la médecine curative une forme de pouvoir. Et pourtant, le côté sacerdotal du médecin-grand-prêtre qui délivre l’ordonnance, c’est fini. Son pouvoir risque de n’être plus pyramidal, mais latéral.

WUD : Et les jeunes médecins dans tout ça ?

JdR : Ils comprennent cette transformation mais ils sont face à la tradition et ils hésitent à se lancer. Et pourtant, à l’échelle internationale, la cooéducation et les MOOC commencent à jouer un rôle extrêmement important. La jeune génération habituée aux réseaux sociaux se tient au courant beaucoup plus vite. Ce n’est donc pas le système qui va changer les jeunes médecins, mais eux-mêmes.

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