Intérimaires VS le reste du monde ? WUD vous explique tout

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Boycott, gros sous et déontologie

Intérimaires VS le reste du monde ? WUD vous explique tout

Le Cnom a rappelé lundi 4 juin aux médecins intérimaires leurs responsabilités éthiques et déontologiques. Cela fait suite à l’action du syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux qui appelle ses membres à ne plus collaborer avec les établissements appliquant le décret de novembre dernier sur le plafonnement de leur rémunération. Vous n’avez pas tout compris ? On rembobine.

« Ces comportements, peu soucieux du devoir d’humanité envers les patients, sont susceptibles de nuire à leur prise en charge et déconsidèrent la profession. » L’Ordre des médecins sonne le glas. Dans un communiqué diffusé lundi 4 juin, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) met les choses au clair.

Si « les médecins ont légitimement le droit de défendre collectivement leurs intérêts matériels », leur comportement ne doit pas mettre en danger la vie des patients. Pour l’Ordre, qui estime que « vingt à vingt-cinq pour cent des postes ne seraient pas pourvus », le manque d’attractivité de la carrière de praticien hospitalier « conduit un nombre important d’hôpitaux à recourir aux médecins intérimaires pour assurer leurs missions de service public ».

Le Cnom déplore que ces médecins « engagent, sans tenir compte des conséquences de leur prise de position, des actions susceptibles par exemple d’annuler des journées opératoires programmées parfois de longue date ». Mais qui sont ces intérimaires récalcitrants ?

Le SNMRH n’est pas content

Le 10 avril dernier, le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH) a adressé une lettre à la ministre de la Santé pour dénoncer le manque de considération de la profession de médecin intérimaire. « Les médecins remplaçants ne peuvent accepter d’être traités de ‘mercenaires’ et de ‘mafieux ‘ou d’être indexés sur le déficit des hôpitaux publics de France, lequel est structurel », écrivent les Drs Lynda Darrasse et Abdelaziz Hanaf, respectivement présidente et secrétaire du SNMRH.

Plus précisément, ils se battent contre le « décret 2017-1605 du 24 novembre 2017 baissant la rémunération des médecins remplaçants de 30 % jusqu’en 2020 ». Le SNMRH, anciennement MRPH, a d’ailleurs été créé le 28 mars 2018 en réaction à sa publication. « Ce décret fait suite au rapport du député VERAN, accusant, sur des arguments approximatifs voire fallacieux, les médecins remplaçants d’être responsables d’un déficit de 500 millions d’euros par an des hôpitaux publics », dénoncent-ils dans leur lettre postée avenue Duquesne.

La faute à Véran ?

En effet, comme What’s up Doc le racontait ici, le décret « relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé » a été pris en novembre dernier par Agnès Buzyn dans le but de fixer un plafond pour limiter les abus. Ceci quatre ans après la remise d’un rapport signé par le député (ex-PS, aujourd’hui LaREM) et neurologue Olivier Véran sur l’utilisation et la rémunération des médecins hospitaliers intérimaires.

Intitulé « Hôpital cherche médecins, coûte que coûte », l'auteur pointait du doigt les dérives du marché de l’emploi médical temporaire à l’hôpital public. Le parlementaire y expliquait comment, à cause de « difficultés structurelles pour recruter des médecins », certains hôpitaux ne maintiennent « des pans entiers d’activité opérationnels qu’au moyen d’un recrutement massif de médecins en missions temporaire, jusqu’à 100 % des effectifs dans les cas extrêmes ».

Et selon Olivier Véran, cela coûte cher aux hôpitaux. « Très lucratif, ce mode d’exercice leur permet de gagner autant en travaillant moins, ou de gagner beaucoup plus (jusqu’à 15 000 euros nets par mois) », regrettait le député, qui comptabilisait « 6 000 médecins occupant via des missions temporaires des postes vacants à l’hôpital », pour un surcoût très important pour les établissement publics de santé, « de l’ordre de 500 millions d’euros » chaque année. Olivier Véran avait donc recommandé de « plafonner le niveau de rémunération d’un médecin contractuel dans le cadre d’un recrutement temporaire ».

Dialogue de sourds et guerre de tranchées

De son côté, le SNMRH rétorque que « la rémunération des médecins remplaçants (qui n’a pas été revalorisée depuis 15 ans) intègre les primes de précarité, les congés payés, l’indemnité de fin de mission à l’identique de n’importe quelle profession intérimaire ». Le taux horaire de 50 euros « n’est en rien exceptionnel pour des professions qui ont un diplôme universitaire de dix ans et plus », justifient les responsables du jeune syndicat.

Mais que dit le décret ? Agnès Buzyn a fixé un salaire brut maximum « pour la rémunération d'un praticien mis à disposition dans un établissement public » pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Ce sera 1 170,04 € par jour travaillé en intérim, mais seulement à partir de 2020. Car le plafonnement se veut progressif : le seuil a été élevé à 1 404,05 € pour 2018, puis descendra à 1 287,05 € en 2019, avant d’atteindre le plafond fixé ce dimanche, peut-on lire dans l’arrêté accompagnant le décret.

En plus de la fin de non-recevoir de l’Ordre, la ministre elle aussi tient ses positions. Lors de son discours en ouverture de la Paris Healthcare Week mardi 29 mai, Agnès Buzyn a affirmé son soutien « à tous les établissements et aux agences régionales » face au « boycott » par une « minorité de médecins remplaçants qui remettent en cause la nouvelle réglementation sur la rémunération de l’intérim médical », rapporte l’APMnews.

La ministre de la Santé se veut sévère et juge ce mouvement « irresponsable de la part de professionnels de santé ». Elle demande « aux établissements et aux ARS de ne céder à aucune forme de chantage ». Les récalcitrants, eux, ne semblent pas vouloir stopper leur mouvement. Dans un post Facebook publié mardi 5 juin, les médecins SNMRH n’en démordaient pas, estimant que leur « rémunération n'a pas été revalorisée depuis 17 ans ». Le syndicat « appelle les pouvoirs publics à entamer un dialogue constructif ». Voilà où nous en sommes. WUD, pour vous servir !

Source:

Thomas Moysan

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