
© Midjourney X What's up Doc
What’s up Doc : Quel constat vous a poussé à développer Seedly ?
William Akakpo : Aujourd'hui, on est face à une augmentation de l'infertilité des couples. Contrairement aux femmes, il n'y a pas beaucoup d'outils pour le suivi de la fertilité d’un homme, et plus globalement, celui-ci est mis de côté lorsqu’un couple a un problème de fertilité. On s'intéresse souvent à la femme en premier lieu, c’est dommage. On se retrouve donc avec des hommes qui ignorent l'impact négatif de certains comportements comme le tabac, l’obésité, la sédentarité, l'hygiène de vie, etc.
Aussi, encore aujourd’hui, beaucoup associent fertilité à virilité. Les hommes refusent de consulter parce que si problème de santé il y a, ils se sentiront moins virils, moins masculins. C’est quelque chose à prendre en sérieux puisque cela peut être source de détresse psychologique et mener à la dépression. Il faut lever ce tabou, et ça passe aussi par des innovations comme Seedly.
Concrètement, que retrouve-t-on dans l’application ?
W.K. : Le but de cette application c'est de mieux informer les patients, de les rassurer, de les préparer et de les guider s’ils ne parviennent pas à concevoir. Lorsqu’on télécharge l’application, il y a un questionnaire qui permet de dépister tous les facteurs potentiels d'infertilité. Ce sont des questions « basiques » mais importantes comme : est-ce que le patient fume ? Quel est son poids ? Quelle est sa taille ? Est-ce qu'il prend des médicaments ? Est-ce qu'il a des antécédents de chirurgie ?
Ensuite, l’application se découpe en trois parties. La première est consacrée à de l’information sur la fertilité masculine. Ces informations sont scientifiquement validées et conçues grâce à des articles rédigés par des médecins spécialisés en fertilité masculine. On essaye de balayer tous les sujets, de la question la plus simple à la plus compliquée.
Deuxièmement, lorsqu’un homme fait face à l’infertilité, il y a plein d'examens à réaliser : spermogramme, bilan hormonal, échographie, etc. Pour cela, il faut rencontrer différents praticiens et savoir quel examen apporter lorsqu'on va consulter les différents médecins. Seedly centralise tous ces examens au même endroit. L’application devient vraiment son passeport de fertilité.
Au fil des examens, l’utilisateur peut suivre l’évolution. S’il a arrêté de fumer le 2 janvier, il pourra comparer son spermogramme de cette période avec celui du mois de mars et constater les progrès. Cela lui donne la possibilité de devenir véritablement acteur de sa fertilité et de sa santé.
Bien sûr, Seedly ne se limite pas aux résultats d’examens. Le patient peut y inscrire ses rendez-vous médicaux et recevoir des rappels avant une fécondation in vitro par exemple. Aussi, comme de plus en plus de traitements sont prescrits aux hommes, l’application permet de suivre la prise de ces traitements et les examens de contrôle associés.
La troisième et dernière partie de l’application, c’est la possibilité de partager en toute sécurité l’ensemble des documents avec les différents praticiens impliqués (urologue, gynécologue, biologiste en cas de PMA).
L’outil n’est donc pas utile pour le médecin ?
W.K. : Non justement, c'est une application consacrée au patient. Nous, les médecins, on a déjà différents logiciels. Et on a déjà aussi beaucoup de travail ! Le but n’est pas que le médecin prenne de son temps pour consulter les informations sur son patient, mais de responsabiliser l’utilisateur. L’homme ne doit plus être un pion comme c’est le cas actuellement. Il doit être le chef d'orchestre de sa fertilité. Les médecins doivent être des accompagnants, pas l’inverse.
Est-ce une application payante ? Si oui, quel budget prévoir ?
W.K. : C'est une application qui est payante. Le patient doit débourser 8,99 € par mois avec une période d'essai gratuite de 7 jours. Pendant ces 7 jours, il pourra avoir accès à tous les articles informatifs.
Comment l’application est perçue par les hommes utilisateurs ?
W.K. : Pour le moment, les avis sont très positifs. Sauf de la part des patients très peu organisés qui oublient d’importer les résultats d’examen ou de tenir à jour l’application ? Ou à l’inverse, ceux qui sont déjà très à cheval sur l’organisation qui estiment pouvoir s’informer et s’organiser seul. Je conçois que pour certains se disent : « je crée un dossier sur Google Drive pour les comptes rendus d’examen et j’utilise le calendrier sur mon smartphone. » L’avantage de Seedly, c’est que tout est centralisé et conçu pour le patient. Et, il y a une information médicale fiable qui s’ajoute.
Avez-vous un message sur la prise en charge des patients stériles à transmettre aux médecins ?
W.K. : L’infertilité masculine mérite qu on s’y intéresse sous tous ses aspects, et pas uniquement via un spermogramme. C’est un examen clé, mais ce n’est qu’un point de départ. Il nous renseigne sur la concentration, la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes, mais derrière ces paramètres se cachent beaucoup d’autres facteurs médicaux : l’hygiène de vie (tabac, alcool, obésité), les antécédents infectieux, certaines pathologies endocriniennes ou métaboliques, l’exposition à des toxiques professionnels, ou encore des causes génétiques et hormonales.
Il faut aussi comprendre que la fertilité masculine peut être le révélateur d’un problème de santé plus global. Un homme infertile peut avoir en arrière-plan un diabète débutant, une hypertension artérielle, un syndrome métabolique, voire des pathologies plus graves comme un cancer testiculaire. Quand on explore l’infertilité, on ne cherche pas uniquement à savoir pourquoi il n’y a pas de conception : on peut aussi mettre en évidence des maladies silencieuses.
Il faut aussi insister sur la place de l’homme dans le couple. On estime qu’environ 50 % des cas d’infertilité impliquent un facteur masculin, seul ou associé à un facteur féminin. Pourtant, encore trop souvent, les femmes subissent d’abord une batterie d’examens invasifs, parfois pendant plusieurs années, avant qu’un spermogramme ne soit demandé à leur conjoint. C’est une perte de temps et parfois une souffrance inutile. Notre rôle en tant que médecins, c’est de rappeler que l’homme doit être évalué dès le départ, au même titre que la femme.