
Le Dr Viguier, oncologue à l'Institut national du cancer
What’s up Doc : La deuxième édition de la campagne de vaccination contre les HPV débute dans les collèges. Quels ont été les chiffres de la première campagne ? A-t-elle été à la hauteur des attentes ?
Jérome Viguier : Pour la première édition, 420 000 adolescents de 12 ans, soit 48% des jeunes de cette tranche d’âge, ont été vaccinés contre les virus HPV. Nous voyons donc une augmentation de 17% par rapport à 2022 : c’est très encourageant ! Parmi eux, 300 000 ont été vaccinés en ville, et 120 000 au collège. Il y a donc une vraie utilité à cette campagne de vaccination au sein de l’Education nationale.
L’objectif de la stratégie décennale de lutte contre les cancers est le suivant : une couverture vaccinale de 80% à horizon 2030. Nous sommes optimistes, surtout que nous n’avons pas observé de levier de boucliers massif, alors même que nous sommes dans un pays plutôt « vaccino-sceptique ».
Il faut aussi rappeler le caractère inédit de cette campagne : le recours au milieu scolaire pour la vaccination n’existait plus depuis longtemps, nous aurions pu nous confronter à plus de réticence. Surtout que les dernières campagnes de vaccination scolaires concernaient le vaccin contre l’hépatite B.
Une fois que cette campagne sera devenue routinière, nous pouvons espérer des résultats encore plus importants.
Suite à la mort d’un collégien l’an dernier après un malaise post-vaccin, l’enseignement privé catholique s’était retiré de la campagne. Qu’en sera-t-il cette année ?
JV : Cet accident malheureux a en effet donné lieu à un arrêt provisoire de la campagne vaccinale dans certains établissements. Il n'est pas en lien direct avec le vaccin en lui-même. Cette année, la campagne reprend et l’enseignement privé participera sur la base du volontariat. L'ANSM renforcé les consignes de sécurité à destination des professionnels de santé qui interviennent. D’ailleurs, le protocole a aussi été mieux organisé, pour que les deux doses puissent être administrées à l’école, en étant vigilant sur les périodes de vacances.
Je le rappelle, ce vaccin n’a que très peu d’effets secondaires. Des douleurs au point d'injection peuvent apparaître, des vertiges, comme pour tout vaccin, mais rien de spécifique. Des consignes de sécurité simples suffisent à lever tout risque.
Quel est le rôle du médecin généraliste dans cette campagne ?
JV : Le rôle des médecins généralistes est fondamental ! D’ailleurs, ils sous-estiment souvent leur rôle et leur importance auprès des familles dans leurs décisions de santé. La parole du médecin demeure une source d’informations essentielle, elle a du poids et est écoutée, même si aujourd’hui, les sources d’information sont diverses.
L’INCA a d’ailleurs publié en avril 2023 sur une étude qui montre que le généraliste est la première personne à laquelle les parents s’adressent pour discuter de la vaccination et prendre leur décision.
Rappelons que l’accord parental doit être obligatoirement recueilli pour cette campagne de vaccination.
D’autres professionnels de santé de ville ont aussi leur rôle de conseil dans cette vaccination : les infirmiers, gynécologues, sage-femmes, pharmaciens qui peuvent aussi administrer le vaccin.
Quels sont les arguments que les médecins peuvent avancer au sujet de la vaccination contre les HPV ?
JV : Les médecins généralistes sont les plus à même d’éclairer le choix de vaccination, en rappelant les enjeux pour la santé de leurs enfants à l’avenir, et sur la sécurité du vaccin.
Nous avons un recul de plus de quinze ans sur la sécurité de ce vaccin, et 300 millions de dose ont été distribuées à travers le monde sans incident, ce qui prouve sa sécurité et son efficacité. La surveillance mise en place au niveau international et les résultats spécifiques d’études ont confirmé l’excellent profil de sécurité de cette vaccination, reconnue par l’OMS.
L’exemple de l’Australie est éloquent. Leur stratégie de vaccination des filles et des garçons, couplée au dépistage organisé, a permis une dynamique d'éradication quasi-totale des lésions précancéreuses et laisse espérer dans un futur proche une éradication du cancer du col de l’utérus. Dans ce pays, le taux de participation à la vaccination est de 80%.
Les médecins doivent aussi rappeler que les HPV provoquent de nombreux cancers (6400 par an), pas uniquement féminins (anus, pénis, sphère ORL…). Vacciner les garçons, c’est les protéger contre ces types de cancer : ¼ des cancers liés aux HPV concernent les hommes. Mais c’est aussi les faire contribuer à la protection des filles, en faisant baisser la circulation des HPV.
Enfin, les HPV sont également la cause de problématiques plus bénignes mais aussi handicapantes, comme les condylomes (verrues génitales) qui sont difficiles à traiter et occasionnent des douleurs pour 100 000 personnes chaque année.
Des études ont mis en évidence des inégalités sociales et territoriales liées à la vaccination HPV. Comment prenez-vous en compte cette réalité ?
JV : C’est aussi pour cette raison que la campagne a été déployée en milieu scolaire, où elle est entièrement gratuite et sans reste à charge.
La lutte contre les inégalités de santé passe aussi par l’information. Des campagnes d’information spécifiques ont été diffusées à destination des parents, des enseignants, et de façon adaptée aux élèves directement. Dans le souci d’une plus grande accessibilité, cette communication a aussi été traduite en « Facile à lire et à comprendre ».
Des action sont également menées par les ARS dans les zones où les populations sont plus éloignées du système de santé.
Dans ces zones également, les médecins de ville ont leur rôle d’information à jouer.