Déserts médicaux : les urgentistes en colère

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L’AMUF interpelle Agnès Buzyn

Déserts médicaux : les urgentistes en colère

Pour l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), c’est sûr, le décès d’un homme dans l’Aude est lié à la fermeture ce jour-là de l’antenne du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) de cette zone rurale. Les urgentistes tirent la sonnette d’alarme.

Le 10 août dernier, un homme de 43 ans appelle depuis la commune de Ginoles (Aude) le centre de régulation du service d’aide médicale urgente (SAMU 11) pour se plaindre de douleurs thoraciques, selon la presse régionale. 8 minutes et 3 kilomètres plus loin, l’antenne SMUR de la commune de Quillan. Mais elle est fermée ce jour-là.

Comme elle le sera également deux jours plus tard, après avoir affichée porte close deux autres jours fin juillet. Une autre antenne SMUR située au Nord du département, celle de Castelnaudary, a elle atteint 9 jours de fermeture en août et 5 en juillet. Sur la période estivale, ce sont donc 18 jours de fermeture pour ces deux centres qui ont été enregistrés.

L'AMUF veut arrêter l’hémorragie

« On ne peut plus fermer de structures », assène Patrick Pelloux, président de l’AMUF, interrogé par What’s up Doc. « L’État écoute des experts qui n’y connaissent rien. Avec le départ à la retraite des baby boomers, on va déjà manquer d’urgentistes en nombre ». Pour le syndicat, il faut arrêter l’hémorragie. « On avait déjà alerté Marisol Touraine sur le danger du regroupement des petites structures d’urgence, et ça continue », s'inquiète l’urgentiste.

Dans un communiqué, l’AMUF met en garde Agnès Buzyn et assure avoir prévenu : « Le nombre de SMUR existant actuellement constituaient le seuil duquel il ne fallait pas descendre, au risque de mettre la population en danger ». Ces urgentistes n’hésitent donc pas à faire le lien avec le décès survenu le 10 août, en expliquant que « le malheureux événement (…) montre que nous avons raison » sur la fermeture des SMUR. 

L’ARS joue le « No comment »

Contacté par What’s up Doc, le patron de la direction du premier recours de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, elle aussi mise en cause par l’AMUF, n’a pas souhaité répondre à cette allusion. « Venant de l’AMUF, je ne comprends pas », s’étonne le Dr Jean-François Razat, responsable de l’accès aux services de permanence des soins et d’urgence dans la région.

Dans un communiqué, l’ARS préfère plutôt mettre en avant les difficultés géographiques de sa région, dont 45 % des territoires sont « ruraux et montagneux. » Comprendre : dans les déserts médiaux, la médecine d'urgence souffre aussi. Pour enrayer le phénomène, on est ici très fier de la mise en place des « Médecins correspondants SAMU », des MG de campagne formés au premier secours par les équipes SMUR et envoyés rapidement avant le déclenchement de la procédure classique, lorsque les territoires sont difficiles d’accès ou que l’antenne SMUR la plus proche est fermée.

Les « MG correspondants SAMU », recette miracle ?

« Ils n’ont certes pas la même formation que des urgentistes », reconnait l’ARS. L'Agence précise qu'ils sont surtout là pour faire du diagnostic, afin de savoir s’il est utile d’envoyer une équipe SMUR sur place. Au-delà de la question de la formation, leur nombre pose question. Les MG formés par le SAMU sont 140 dans l’ensemble des 13 départements que compte l’Occitanie. Dont seulement 7 dans l’Aude. « Pas encore assez », pour Jean-François Razat, qui estime que c’est la période estivale qui explique le manque de médecins urgentistes.

« On se bat vraiment pour conserver notamment l’antenne de Quillan, qui se trouve dans une zone difficile d’accès. Même si elle n’intervient en moyenne qu’une fois par jour, elle est indispensable », se défend le directeur du premier recours. Car le CH de Carcassonne (Aude), auquel l’antenne SMUR est rattachée, est à plus d’une heure au Nord du département.

« Entre liberté et fraternité, il y a l’égalité »

Contrairement à ce que dit l’AMUF, « ce n’est absolument pas un problème budgétaire, mais uniquement de démographie médicale » assure donc Jean-François Razat, qui dément toute pression de l’État pour faire des économies. « Mais il faut que l’on travaille sur l’attractivité de nos CH », assume le responsable de l’accès aux services d’urgence dans la région. Selon lui, « cet été, on aura tout tenté pour trouver la meilleure organisation possible. »

Mais cela ne suffit pas pour Patrick Pelloux. Le célèbre urgentiste n’accepte pas la fermeture, même temporaire, des antennes de SMUR. Au passage, l’AMUF attaque également la création du DES de Médecine d’urgence, « ce qui la déconnecte de la médecine générale ». Le syndicat demande à rencontrer Agnès Buzyn dans les meilleurs délais. « Ils sont en train de tout casser », s'énerve-t-il. Et Patrick Pelloux de rappeler : « Entre liberté et fraternité, il y a l’égalité. L’égalité d’accès aux soins partout en France. » La ministre de la Santé, qui a déclaré vouloir faire des déserts médicaux sa priorité, appréciera la punchline.

Source:

Thomas Moysan

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