Conseil d’État : le choix du traitement réservé aux médecins

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Famille VS médecins, un énième épisode

Conseil d’État : le choix du traitement réservé aux médecins

Le Conseil d’État rappelle dans une ordonnance que c’est aux médecins qu’il appartient de choisir d’administrer un traitement plutôt qu’un autre.

Le 16 février dernier, des parents apprennent que leur fils âgé de 10 ans est atteint d’une leucémie aiguë lymphoblastique T hyperleucocytaire. Le jeune enfant, d’abord admis dans un hôpital roumain, entre en phase de rémission avant de présenter une encéphalite herpétique « entraînant un mal épileptique et un état comateux. »

Transféré à la demande des parents à l’Hôpital La Timone (Marseille), le service de réanimation médico-chirurgical pédiatrique parvint à le sortir du coma mais des séquelles neurologiques lourdes, « à la fois motrices, comitiales et cognitives » sont apparues. Et la suite est pire. Après une rééducation sur le plan moteur, un contrôle sanguin révèle une récidive de la leucémie. L’enfant est alors admis au sein du service onco-hématologie pédiatrique de l’Hôpital Arnaud de Villeneuve, un établissement du CHU de Montpellier.

Des médecins d'accord entre eux 

Cette épisode marque le début des ennuis pour l’équipe médicale, qui décide au vu de l’état du jeune mineur, d’assurer « une prise en charge palliative et de ne pas réaliser une chimiothérapie à visée curative. » Une réponse non satisfaisante pour le père de l’enfant qui demande l’avis de l’équipe d’hématologie pédiatrique du CHU de Marseille. Sauf que cette dernière confirme le choix de ses confrères Montpelliérains.

L’homme insiste, et enjoint les médecins qui s’occupent de son fils de mettre en place en urgence « un traitement de chimiothérapie. » Les PH refusent à nouveau. En réaction, les parents saisissent le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier. Ils lui demandent de juger le refus comme une atteinte grave à une ou plusieurs libertés fondamentales, d’enjoindre le CHU de faire la chimio' sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et enfin d’ordonner une expertise médicale afin de vérifier si la chimiothérapie est bien la meilleure solution. On ne sait jamais... 

Mais le Tribunal administratif de Montpellier rejette leur demande. Une semaine plus tard, les parents du jeune malade saisissent en appel le Conseil d’État, juridiction suprême dans les litiges avec les organismes publics. Ils demandent la même chose, en y ajoutant de mettre à la charge du CHU la somme de 5 000€, en remboursement des frais de procédure.

Les parents jugent le traitement inefficace

L’exposé peut surprendre : alors que le traitement, qui consiste en une corticothérapie, une chimiothérapie palliative orale et une hydratation, « a permis une stabilisation du nombre des cellules leucémiques, » les parents estiment qu’il est inefficace. De plus, alors que le CHU explique qu’une chimio' curative est contre-indiquée, notamment parce que « l’état d’agitation du patient rend techniquement difficile (…) la réalisation d’un traitement intensif, » les parents eux estiment que ce traitement « ne constitue pas une obstination déraisonnable (…) n’étant ni inutile ni disproportionné. » Bref, entre le corps médical et la famille, un véritable dialogue de sourds s'engage.

Le juge des référés du Conseil d’État, considérant que les parents « ne sont pas fondés à se plaindre de ce que (…) le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande, » ordonne également le rejet de leur requête.

Enfin, si le Conseil d’État rappelle, aux termes de l’article L. 1111-4 du Code de santé publique, qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, il considère que « ces mêmes dispositions ne consacrent, au profil du patient, un droit de choisir son traitement. » Résultat, dès lors qu’une prise en charge thérapeutique est assurée, le juge des référés ne peut pas demander à l’équipe médicale « que soit administré un autre traitement que celui qu’elle a choisi de pratiquer à l’issue du bilan qu’il lui appartient d’effectuer. »

Source:

Thomas Moysan

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