Attentats : les hôpitaux français à l'école israélienne

Article Article
Attentats : les hôpitaux français à l'école israélienne

Une délégation de médecins français s’est récemment rendue en Israël pour y observer les capacités de mobilisation des hôpitaux en cas d’attaque terroriste. Le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, directeur du Samu de Lyon, était du voyage.

 

What’s up Doc. Pourquoi vous êtes-vous rendus en Israël ?

Pierre-Yves Gueugnaud. Nous sommes partis dans le cadre d’une mission décidée par le ministère de la Santé. Le but était de mettre en place une coopération avec Israël dans la prise en charge des situations exceptionnelles. Nous avons beaucoup à apprendre de ce pays, qui dispose d’une organisation de crise plus développée que la nôtre.

WUD. Et qu’avez-vous observé sur place ?

PYG. Ils disposent d’éléments que nous n’avons pas, comme la géolocalisation des effectifs, des caméras GoPro embarquées sur les véhicules… Là-bas, les informations sur les antécédents et le traitement des patients sont centralisées et accessibles instantanément. Ils ont aussi un système d’alerte capable de mobiliser le personnel en quelques minutes seulement en cas d’afflux exceptionnel de victimes.

WUD. Les médecins israéliens sont-ils formés différemment ?

PYG. Ils appliquent le damage control, qui existe aussi en France, mais qui y est plus récent. Cette technique consiste à prendre en charge un patient le plus rapidement possible en lui sauvant la vie sans nécessairement lui offrir un traitement complet. Quitte à faire une reprise chirurgicale plus tard. Il s’agit également de ne pas s’attarder sur les patients morts ou ayant peu de chance de survivre. Le risque est en effet de ne pas pouvoir soigner les autres patients.

WUD. Quelles mesures seraient applicables en France ?

PYG. Nous pourrions développer certains aspects techniques comme la géolocalisation ou faciliter l’accessibilité au dossier médical patient. On peut aussi améliorer le rappel du personnel et apprendre à libérer plus rapidement les box aux urgences. Dès 2021, tous les Samu français bénéficieront d’ailleurs du même système d’information, ce qui permettra de développer la géolocalisation et l’enregistrement des interventions, par exemple. Mais il faut bien reconnaître qu’en France, nous sommes très en retard sur la sécurisation des hôpitaux.

WUD. Il n’est probablement pas possible de tout copier…

PYG. Le but est de progresser en s’adaptant à ce qui se fait ailleurs. Pas de copier un système étranger. En Israël, les services d’urgence possèdent des équipements dans des sous-sols fortifiés blindés. Nous ne développerons pas cela en France. Par ailleurs, les situations sanitaires exceptionnelles sont plus courantes chez eux. Ici, nous devons aussi prendre en compte nos obligations quotidiennes, entre autres économique. Pour qu’un hôpital soit performant, il faut que tous les services de chirurgie tournent à plein régime. Résultat : on a quasiment jamais de grandes disponibilités de lit dans un CHU. L’inverse de ce qu’il faudrait faire en cas d’attentat.

WUD. La profession médicale est-elle assez sensibilisée en France ?

PYG. Elle l’est de plus en plus. Depuis début 2016, tous les praticiens susceptibles d’être confrontés à ce genre de situation bénéficient de formations sur des techniques comme le damage control. En Rhône-Alpes, par exemple, nous avons formé la quasi-totalité des représentants de chacun des établissements. Aussi bien dans les CHU que dans les établissements privés. Mais il y a encore du travail à faire pour que tout le monde soit informé.

Les gros dossiers

+ De gros dossiers