Depuis plusieurs semaines, des médecins médiatiques (le Dr Gérald Kierzek notamment, mais aussi le Dr Patrick Pelloux) se sont engagés pour dénoncer l’utilisation du fichier Si-Vic lors de manifestations de gilets jaunes. Créé pour recenser les victimes d’attentats, notamment afin de coordonner les secours et prévenir les familles, son usage aurait été détourné à des fins politiques, estiment des médecins.
Une centaine d’entre eux signe une tribune ce jeudi matin afin de faire entendre leur mécontentement, tribune relayée notamment par France Info. Les Drs Alice Deschenau, rédactrice en chef de What's Up Doc, et Matthieu Durand, fondateur de What's Up Doc, en sont également signataires.
Ils en appellent à la préservation du secret professionnel face à un détournement qu’ils jugent inacceptable. Pas seulement pour les gilets jaunes, d’ailleurs. « De même que nous nous opposons à tout autre fichage des patients sans leur consentement, visant à une transmission des données en dehors de l'hôpital à des fins autres que médicales », expliquent-ils. « C'est exactement ce qui se passe depuis cinq mois avec le dévoiement de l'utilisation d'un dispositif réservé aux situations sanitaires exceptionnelles nommé SI-VIC ».
Les médecins signataires annoncent donc qu’ils refuseront de poursuivre ce fichage. « Face à des demandes illégales, nous répondons donc par un devoir de "désobéissance éthique". Nous refusons d'obéir à l'Administration ».
La tribuneNous, médecins, rappelons notre attachement viscéral au secret professionnel. C'est pourquoi nous refusons le fichage des "Gilets jaunes" blessés arrivant aux urgences. De même que nous nous opposons à tout autre fichage des patients sans leur consentement, visant à une transmission des données en dehors de l'hôpital à des fins autres que médicales. Le secret professionnel, pilier ancestral de notre profession, a été institué dans l'intérêt des patients. Il couvre tout ce qui est porté à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession. Il s'agit non seulement de ce qui lui a été confié, mais aussi de ce qu'il a vu, entendu ou compris. Il a l'interdiction de divulguer les informations dont il est dépositaire. L'article 4 (article R.4127-4 du code de la santé publique) de la loi relative aux droits des malades renforce ce secret puisque "toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant". Le non-respect du secret professionnel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Patients, imaginez que vous alliez à l'hôpital et que votre présence, votre identité voire des informations médicales ne soient plus confidentielles et immédiatement communiquées à des tiers dans un fichier parallèle à votre dossier médical, fichier dans lequel vous seriez inscrit par exemple en raison de votre appartenance politique, sexuelle, religieuse ou ethnique ? C'est exactement ce qui se passe depuis cinq mois avec le dévoiement de l'utilisation d'un dispositif réservé aux situations sanitaires exceptionnelles nommé SI-VIC et mis en place suite aux attentats de novembre 2015. Selon la CNIL, cette base de données vise à établir "une liste unique des victimes d'attentats pour l'information de leurs proches par la cellule interministérielle d'aide aux victimes" et peut être étendue à des "situations sanitaires exceptionnelles". Pour nous, médecins, l'existence même d'un fichier parallèle renseigné après sélection de nos patients pour n'y entrer que les "gilets jaunes" est parfaitement antidéontologique. Aucune information n'est donnée aux patients sur ce fichage, aucun consentement n'est recueilli. La tenue en temps réel, comme demandée par les autorités, permet une identification et une localisation précise des patients. Les tentatives de communication, de justification et, finalement, de diversion de l'AP-HP et de l'ARS Île-de-France sont autant d'aveux de culpabilité. Pour fuir leurs responsabilités, les autorités sanitaires se défaussent sur nous, soignants. Face à des demandes illégales, nous répondons donc par un devoir de "désobéissance éthique". Nous refusons d'obéir à l'Administration. Nous demandons l'ouverture d'une enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur l'utilisation dévoyée du logiciel SI-VIC. Nous, médecins, appelons à un arrêt immédiat de l'utilisation du fichier SIVIC pour les mouvements sociaux. Comme l'histoire l'a montré maintes fois, face à l'indigne les médecins n'ont pas vocation à obéir, et ont su résister, parfois au péril de leur vie pour respecter le serment d'Hippocrate dans l'intérêt des patients et des citoyens. |
Les 100 premiers signataires Ali Benali Sabrina, médecin généraliste, Paris |