Témoignages des victimes du “dentiste le mieux payé de France“ : «A 18 ans, il m’a conseillé de m’enlever toutes mes dents»

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"Il a gâché ma vie", c'est un "boucher" : d'anciens patients de Lionel Guedj, jugé avec son père à Marseille pour des mutilations dentaires, ont témoigné lundi 7 mars de leurs souffrances physiques et psychologiques toujours vives dix ans après les faits.

Témoignages des victimes du “dentiste le mieux payé de France“ : «A 18 ans, il m’a conseillé de m’enlever toutes mes dents»

Les dentistes Lionel Guedj, 41 ans, et Carnot Guedj, 70 ans, sont poursuivis pour s'être enrichis sur le dos de l'assurance maladie et de mutuelles en réalisant un maximum de prothèses dentaires sur des patients qui n'en avaient pas besoin, après avoir dévitalisé des dents saines.

Au cinquième jour du procès, le tribunal correctionnel a entamé les auditions des premiers plaignants qui ont requis l'anonymat. 120 patients sur les 322 à s'être constitués parties civiles doivent être entendus pendant trois semaines.

La première à témoigner n'avait que 18 ans lorsque ses parents lui ont demandé d’aller voir un dentiste pour des caries et un problème d'émail car elle ne consommait "pas assez de produits laitiers".

"Lionel Guedj m’a conseillé de m’enlever toutes mes dents. Il disait que j’allais avoir un beau sourire, que je n’aurais plus de soucis dentaires, raconte la jeune femme, aujourd'hui âgée de 34 ans. "Je lui ai fait confiance", regrette-t-elle.

"Le docteur Guedj vous a dévitalisé et limé 24 dents avant de vous poser des prothèses", résume la présidente.

"Tout s'est passé en deux-trois mois et encore j'ai raté des séances parce que j'avais trop mal", raconte la plaignante, bénéficiaire de la CMU mais sans mutuelle, qui a dû verser "1.000 euros en espèce" au dentiste.

Interrogée sur les conséquences de ces opérations, elle dit vivre "un cauchemar depuis 16 ans", parle de "douleurs insoutenables", "de dents qui tombent" et de "mauvaises odeurs" dans la bouche.

Elle évoque la dépression qui l'a emportée, ses visites chez le psy. "On ne peut plus sourire, on postillonne en parlant, on mange difficilement. Alors, on a honte, on se retire de la société. On n'a plus de vie sentimentale ou professionnelle".

"Il a gâché ma jeunesse, mon présent et mon avenir", ajoute-t-elle.

« Quand on parle d’actes non fondés, dictés par la rentabilité, on ne peut pas parler d’erreur médicale »

Un ex-agent de sécurité raconte lui avoir vu Lionel Guedj pour une simple carie. "Il m'a fait une radio et m'a dit : vos dents sont fragiles. S'il y a un choc, elles tombent. Je vais vous arranger cela". Au final, il aura huit dents dévitalisées et deux bridges posés. Mais avec à la clef, de multiples complications : kystes, abcès, gingivite, fracture de la céramique...

Sans mutuelle, il doit verser au praticien 7.000 euros en liquide. "L'équivalent de six mois de salaire", souligne la présidente.

"Je viens d'un milieu défavorisé. Quand on est dentiste, c'est qu'on a réussi, qu'on a déjà gagné. Pourquoi a-t-il fait cela ?", demande-t-il, toujours abasourdi.

La patiente qui le suit à la barre est nerveuse. "J'ai du mal à le voir à côté de moi", dit-elle. La présidente fait couper l'écran au-dessus d'elle où s'affichait l'image des deux prévenus.

La plaignante parle "du procès de sa vie", traite Lionel Guedj qui lui a dévitalisé douze dents dont six se sont infectées et une, non traitable, a dû être arrachée, de "boucher". Pour se refaire une dentition, il lui en coûterait "40.000 euros", dit-elle, mais elle n'a pas l'argent.

"J'ai perdu toute confiance en moi, il a détruit ma vie" ajoute-t-elle.

"Je suis touché par ces déclarations, mais j'ai toujours travaillé dans l'intérêt de mes patients, pour les rendre heureux", réagit Lionel Guedj quand son père parle de "traitements ratés", mais pas d'actes volontaires.

"Quand on pratique des actes non fondés (...) dictés par la rentabilité, qu'on travaille à la chaîne, vite et mal (...), on ne peut pas parler d'erreur médicale", a jugé dans l'après-midi un expert, Jacques-Henri Torres, docteur en chirurgie dentaire. Il s'agit ici "d'actes strictement intentionnels", a-t-il assuré.

Le procès doit durer jusqu'au 8 avril.

Avec AFP

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